Conte: La Fille de Grand-Seigneur, ou la Mer à Sec
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La Fille de Grand-Seigneur, ou la Mer à Sec
Il était une fois la fille d’un Grand-Seigneur, une fille très belle ! Elle était déjà fort belle..., mais d’abord elle était petite, et puis elle a grandi. Et dès qu’elle a été grande, on a vu venir les prétendants, les hommes qui voulaient la demander en mariage.
Mais à chaque homme qui venait, Grand-Seigneur, le père de la jeune fille, tenait le même discours :
- Si tu ne sais pas tarir la mer, tu ne pourras pas avoir ma fille !
Voilà ce que disait Grand-Seigneur, le père de la jeune fille. Et ensuite…
Bientôt vient un autre, pour la demander en mariage. L’orateur de la famille déclare :
- Nous venons ici, certes pour vous rendre visite, mais aussi pour une autre raison. Nous nous garderons d’imiter » celui qui était venu emprunter la pirogue, et qui, une fois arrivé, ne disait rien », de peur d’être, comme lui, « devancé par un autre venu après lui »… Bref, nous sommes venus vous demander votre fille en mariage. Et c’est pourquoi nous, qui avons un garçon, nous devons venir bers vous, qui avez une fille à marier.
- Pour marier ma fille, répond le père, je ne prendrai point en considération le « pelage tacheté », et même, si le prétendant est un pitoyable Ulcères-aux-Pieds, il aura ma fille, même si c’est un pauvre, même si c’est le dernier des misérables, il l’aura, pourvu qu’il sache tarir la mer. Mais celui qui ne saura pas tarir la mer, ah non, il n’aura pas ma fille !
Et, pour tous ceux qui se présentaient, c’était la même chose. Le garçon allait au bord de la mer, et il essayait de la boire… Il buvait, buvait, buvait, jusqu’à ce qu’à la fin il se lasse. Il se retrouvait là, au bord de l’eau, le ventre ballonné. Et la mer qui n’avait pas bougé !
Et non seulement la msr n’était pas tarie, mais le gars, tout gonflé d’eau de mer, mourait sur place.
Alors, on ne sait trop comment, ni quand, au bout d’un certain temps, se présenta le petit Ulcères-aux-Pieds.
- Je viens ici, certes pour vous rendre visite, mais aussi pour une autre raison. Je me garderai d’imiter « celui qui était venu emprunter la pirogue, et qui, une fois arrivé, ne disait rien », de peur d’être, comme lui, « devancé par un autre venu après lui ». Bref, je viens vous demander votre fille en mariage ! Tel que vous me voyez, je suis encore garçon, je ne suis pas encore marié, aussi je viens demander votre fille.
- Pour marier ma fille, répond Grand-Seigneur, je ne prendrai point en considération le « pelage tacheté »… S’il se présente quelqu’un qui sera capable de tarir la mer, eh bien, celui-là aura ma fille.
Alors, ayant entendu ces conditions ;
- Oh, c’est facile, je peux la boire, dit le petit Ulcères-aux-Pieds.
Alors, après cela, le moyen qu’il allait employer pour tarir la mer ne demandait pas tant de connaissances… Il dit à Grand-Seigneur :
- Si tu ne peux pas barrer tous les petits cours d’eau qui se jettent dans la mer, alors personne au monde ne pourra boire la mer. Mais si tu peux barrer tous les cours d’eau, tous les petits cours d’eau qui se jettent dans la mer, alors, moi, oui, je boirai ce qui restera.
Alors ;
- C’est cela, mon ami, dit Grand-Seigneur ! Tu peux avoir ma fille, car tu es un homme plein de sagesse, tu as la sagesse. Tous ceux qui t’ont devancez n’étaient conduits que par un esprit hâbleur, ils n’examinaient pas les choses à fond. Et ils allaient directement essayer de boire la mer ! S’il en est ainsi, tu as ma fille ! Tu peux l’emmener, tu es mon gendre, dès aujourd’hui.
Alors, le petit Ulcères-aux-Pieds a fait une grande fête, une fête brillante, pour le départ de son épouse. Et on l’a soigné très bien, si bien qu’on lui a guéri parfaitement ses vilains ulcères.
Alors, le petit Ulcères-aux-Pieds, lui qui était un pauvre, un misérable, le dernier des derniers, voilà qu’il était devenu un grand richard.
Voilà mon conte.
Fulgence FANONY
Le tambour de l’ogre
Littérature orale Malgache
tome 2
L’Harmattan