LA LÉGENDE DE RAVELOBE…

Publié le par Alain GYRE

 

LA LÉGENDE DE RAVELOBE…

 

Beaucoup de mythes sont nés de Ravelobe et ses hommes. Ces mythes sont considérés comme l'incarnation des vérités sacrées d'un peuple. Ce que les êtres humains ont en commun est révélé dans les mythes. Les mythes reflètent les légendes de la recherche de la vérité, du sens, de la signification. On a besoin de dire son histoire et de comprendre son histoire.

 

L’année était 1946. Madagascar comme d’autres pays colonisés, était en ébullition politique. Des jeunes qui n’avaient aucune ambition politique revendiquaient et aspiraient à un mieux-être à Madagascar. Il était vrai que le retour au pays des soldats survivants de la Deuxième Guerre Mondiale provoquait un malaise social entre l’administration coloniale et la population locale. Mais la même chose se passait aussi dans les colonies après le retour au pays des soldats survivants de la Première Guerre Mondiale. L’administration coloniale de Madagascar se préparait à toutes les éventualités. En 1946, le désir de s’assumer était beaucoup plus prononcé partout à Madagascar que dans l’après 14-18. Mon père était à peine dans la vingtaine en 1946. Né et grandi à Majunga, il voulait rejoindre avec ses quatre autres frères le mouvement de revendication et de libération auquel ils (mon père et ses frères) croyaient et dont le point central semblait se trouver sur les Hautes Terres du pays. Ils ont subi les oppressions tantôt bien visibles, tantôt un peu moins des autorités de l’administration coloniale et religieuses dont ils connaissaient les tendances.

 

Ils étaient alors cinq frères ayant pris ensemble la décision de rejoindre à pied les Hautes Terres de Madagascar pour entrer dans la lutte pour la liberté. Et ce, après avoir manifesté bruyamment devant le gouvernorat de Majunga pour renier leur appartenance à la France. Rejoindre les Hautes Terres de Madagascar à pied à partir de Majunga n’était pas une mince affaire dans le temps. Selon les dires de mon père, cela a pris pas loin de 3 mois avec les arrêts inévitables en cours de route. L’arrêt aux alentours d’Anjiajia était le plus long. Et, pour cause, Ravelobe, un des cinq frères décidait de ne pas continuer la route pour s’y établir. Ce n’était pas du tout prévu au départ de Majunga. Ravelobe s’entendait très bien avec les paysans de l’endroit et cette affinité s’affirmait au cours des jours durant lesquels l’arrêt se poursuivait pour les cinq frères. Ravelobe a trouvé son terrain de prédilection et décidait de s’y installer pour de bon. Les quatre autres frères poursuivaient la route, toujours à pied, vers les Hautes Terres de Madagascar.

 

Les quatre frères étaient loin de se douter que c’était bien la dernière fois qu’ils allaient voir Ravelobe. Ce dernier réussissait en très peu de temps à organiser une petite révolution autour d’Anjiajia. Les paysans l’avaient suivi jusque dans les fins fonds de la forêt d’où partaient très souvent les incursions vers les centres de collecte des impôts de l’administration coloniale de la région. Les multiples interventions de l’armée coloniale française n’y changeaient rien. Les hommes de Ravelobe s’évanouissaient dans la nature une fois les attaques menées. Ils étaient imprenables dans la forêt que les hommes de Ravelobe connaissaient chaque recoin sur le bout des doigts. Ravelobe dévoilait des connaissances tactiques et organisationnelles que personne ne soupçonnait en lui. Il était un vrai meneur d’hommes. Pendant plusieurs années, les incursions vers les centres de collecte des impôts de l’administration coloniale de la région étaient couronnées de succès. Les replis vers la forêt se déroulaient sans encombre. De plus, voulue ou non, une légende était venue se créer autour des actions de Ravelobe et ses hommes. Le lac qui porte le nom de Ravelobe devenait petit à petit un endroit sacré et craint par beaucoup à commencer par l’administration coloniale. Au fond, le Lac de Ravelobe est toujours là. C’était et c’est toujours de nos jours dans cette partie de Madagascar le symbole même de la lutte pour la liberté et du désir de s’assumer pour cette liberté quels qu’en soient les coûts. Personne n’est en mesure de dire exactement ce que sont advenus de Ravelobe et ses hommes. Mais leurs âmes demeurent bien vivantes autour du lac qui porte son nom.

 

Tous les voyageurs vers et en provenance de Majunga y passent. Beaucoup de ces voyageurs ne connaissent que le nom de l’endroit et ignorent l’histoire qui a façonné la vie autour du lac. Mais Ravelobe n’est pas devenu la légende qu’il est aujourd’hui de nulle part. Sa mère, une parfaite inconnue pour beaucoup, était la première femme d’obédience musulmane de la province de Majunga à fuir au propre comme au figuré le mariage arrangé et forcé. La nuit avant ses noces, elle disparaissait au grand désarroi du grand Tsitampy d’Ambanja. Personne ne savait avec précision où la princesse était passée ni comment elle avait pu rejoindre Majunga à partir d’Ambanja. Mais elle l’avait fait sans tambour ni trompette. Elle se libérait de toute une tradition dans laquelle elle ne se reconnaissait pas du tout. Nous étions en 1919 ou 1920 à Madagascar. Arrivée par elle-même à Majunga, elle avait à peine 16 ou 17 ans où elle rencontrait ce jeune Ambaniandro qu’elle mariait. C’était mon grand-père connu sous le nom qu’il avait choisi de Razafy Jambô jusqu’au jour où l’administration coloniale établissait l’état civil et y incrivait arbitrairement mon grand-père sous le nom de Razafindambo. De l’union de ce jeune Ambaniandro et de cette jeune princesse fugueuse d’Ambanja naissaient six garçons et une fille, l'ainée. Ravelobe était l’un d’entre eux. Mon père aussi.

 

Ho tonga tokoa anie ny fahafahana! Que la liberté soit pour de vrai!

 

Source :

Jean Razafindambo

Consulting Business Analyst

https://www.linkedin.com/pulse/madagascar-la-l%C3%A9gende-de-ravelobe-jean-razafindambo/?trk=read_related_article-card_title&originalSubdomain=fr

 

Publié dans Contes, Légendes

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