Conte: La ruse de Tsafetsy - Raymond DECARY

Publié le par Alain GYRE

La ruse de Tsafetsy

Conte Vezo, recueilli à Andranopasy, district de Manja

 

Un roi avait cultivé beaucoup de maïs. Il avait une jolie jeune fille âgée de quinze ans. Un jeune homme qui s'appelait Tsafetsy la demanda en mariage.

Ce n'était qu'un pauvre garçon qui ne faisait que la pêche.

Il consulta l'ombiasa pour lui dénoncer le jour favorable à la demande.

Le premier jour du mois Alahamady (1), il se rendit chez le roi.

Accroupi au coin de la chambre, près de la porte d'entrée, il fit les salutations d'usage et ajouta :

« Seigneur, je ne viens pas pour vous dérober, mais pour vous demander des descendants ».

Le roi, un peu fâché, répondit d'un ton grave :

« Oui, dit-il, je ne refuse pas ta demande, mais avant de te donner ma fille, je te donnerai une tâche et si tu peux l'accomplir, tu auras ma fille. Tu vas empêcher le vent de traverser mon champ de maïs, là-bas au bord du Mangoky ».

Le jeune homme accepta, car cela était fait pour tromper les gens.

Tsafetsy, lui aussi, va tromper le roi. Il s'en alla.

Arrivé chez lui, il pêcha à la ligne et gagna beaucoup de gros poissons : torovoka, lemba, etc. (2). Le soir, il invita le plus âgé du village pour porter les poissons au roi, son futur beau-père. Il lui recommanda :

« Dis au roi qu'il faut manger la chair et faire griller le bouillon ».

L'homme raconta tout cela au roi. Celui-ci étonné fit appeler Tsafetsy et lui demanda :

« Peux-tu griller le bouillon ?

-  Seigneur, répondit le jeune homme, peut-on aussi empêcher le vent de traverser le Mangoky ? »

Le roi se mettait à rire en disant :

« Tu es aussi malin que moi ; tu seras le mari de ma fille » (3).

 

Notes :

(1) La division de l'année en mois pose, dans le calendrier malgache, de véritables problèmes. Si notre calendrier grégorien a pénétré un peu partout la masse de la population, le calendrier malgache proprement dit semble avoir été, tout à fait à son début, d’origine indo-aryenne. Au XVIIe siècle, les mois sanscrits étaient utilisés dans tout le Sud-Est, mais tombèrent par la suite en désuétude pour être remplacés par une autre série, d'origine arabe. Dans les tribus côtières, le calendrier local est luni-solaire. Le mois Alahamady dont il est question ici correspond au début de la saison sèche (approximativement notre mois d'avril) ; il règle la concordance de l'année avec les saisons et les phases de la végétation. Mais étant donné que chaque mois comprend quatre lunaisons, il est nécessaire d'intercaler dans l'année un mois supplémentaire, ou plus simplement de redoubler un mois. Les noms eux-mêmes des mois varient aussi quelque peu avec les tribus. Voici, par exemple ceux employés chez les Antandroy de la région de Tsivory, avec leur sens. Volamaka ou T atakampemba (on coupe le mil), correspondant à avril, premier mois de l'année ; Mianjoloky ny asotra (l'hiver commence) ; Sakamasay ou Miandriakataka (les haricots fleurissent ; Sakavé ou Masaka avaratra kily (les fruits du tamarinier du Nord sont mûrs) ; Faosa ou Mihitsadravina (les feuilles tombent); Volambita ou Masakily masakataka (tamarins et haricots sont mûrs); Asaramantina ou Vaky sakoa (l'arbre de Cythère fleurit) ; Saramanitra ou lalo fanombilahy ny sakoa (le taureau peut se mettre à l'ombre du sakoa) ; Vatravatra ouLesnakakanga (les pintades sommeillent) ; Safary ou Mando tady (la pluie fait pourrir les cordes d'attache des veaux) ; Valasira ou Vaky voazavo (les pastèques fleurissent) ; Hatsiha ou Matoafano (les fruits du fano sont mûrs

 (2) Le torovoka ou antendro est le Mugil macrolepis ; c'est un poisson qui peut atteindre jusqu'à un mètre de long. J'ignore ce qu'est le lemba.

(3) Cette épreuve impossible à exécuter est à rapprocher de celle narrée plus haut dans le conte « L'enfant rusé ».

Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar

Raymond DECARY

 

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