Conte: Le fils de Lengivy, Né-du-Creux-du-Cœur Zanak’i Lengivy terakatantarifô
/image%2F1287026%2F20230613%2Fob_83d1bb_1-le-fils.jpg)
Le fils de Lengivy, Né-du-Creux-du-Cœur
Zanak’i Lengivy terakatantarifô
Il était une fois un homme d’autrefois, qui ne cessait de parler,
Ce n’est pas moi qui mens, ce sont les grands d’autrefois.
La tabatière de bambou cache bien son jeu,
L’homme malhonnête, c’est toujours lui qu’on accuse,
Dame-Courtilière à force de se laver a tête chauve,
Sire-Rat à force de se rincer la bouche n’a plus que deux dents,
: A force de se serrer la ceinture Guêpe-Maçonne a eu les hanches grêles,
Dix criquets nains sont devenus mante boiteuse,
Parmi les hommes, à chacun son caractère.
Il était une fois un homme qui voulait tuer un monstre. Et il avait une femme, qui avait accouché d’un enfant. Et le jour même de sa naissance, l’enfant a demandé :
- Maman où est mon père ?
- Ton père est allé à la pêche.
Apprenant que son père était allé à la pêche, l’enfant, le petit enfant né du jour, part à la suite.
- Hé ! Père !
L’homme tourne la tête à droite, à gauche, mais il ne voit pas l’enfant. Il regarde mieux, et voilà : il est là.
Et le monstre, lui, guettait les poissons du bonhomme. Il avait ses poissons dans quatre paniers à claire-voie. Le montre voulait les lui manger, et lui laisser seulement la fiente à emporter au village, car il aimait beaucoup le poisson.
Alors l’enfant s’est mis à chanter pour le monstre, montrant de son doigt les quatre paniers de poissons, qui sautaient jusqu’à lui.
- Hé, se dit le monstre, un petit bambin comme ça qui m’embête ! Je vais le dévorer !
- Allons, dit l’enfant. Je suis le fils de Lengivy, Né-du Creux-du-Cœur. Il a saisi le monstre à bras le corps, et ne l’a plus lâché pendant une semaine, jusqu’à ce qu’il faiblisse. Et il l’a emmené chez eux, pour en faire un de leurs serviteurs. Il lui faisait piler lev riz. Et puis, un autre jour :
- D’accord, dit le monstre, à moi tu peux faire ça, mais jamais à Cuisses-Moulin, qui est là-bas !
C’était aussi un monstre.
Deuxième voyage. Il dit à son grand frère :
- C’est ça.
Et au monstre :
- Pile du riz, toi, je vais y aller, avec mon grand frère.
Et on a pilé du riz. Le monstre a pilé, pilé… Et à sa mère il a dit :
- Si cette plante meurt, c’est qu’il nous sera arrivé quelque chose
- Oui.
Donc, ils sont partis. Et une fois arrivés là-bas, il a laissé son grand frère, et il est entré tout seul dans la forêt. Il a marché, marché, marché, jusqu’à ce qu’il voie une chose qui écrasait de la canne à sucre, le jus de cannes pressées ruisselait, et c’était entre les cuisses de la chose que les cannes étaient moulinées. Rien qu’avec son doigt, l’enfant barre le ruisseau de jus de cannes… Le monstre tombe évanoui.
- Hé, s’écrie le monstre, ici aucun serpent ne passe, aucun milan ne passe, qu’est-ce qui peut causer une chose pareille ?
Et le monstre est resté un moment sans connaissance.
Le garçon arrive, et il serre le monstre dans ses bras pendant deux jours entiers. Le monstre faiblit. Alors, il l’emmène au village, comme le premier. Et on l’a employé à piler le riz. Le deuxième monstre aussi, ils en ont fait leur serviteur pileur de riz.
- D’accord, dit le monstre, à moi tu peux faire ça, mais jamais à Soulève-Roc, à ce fameux Soulève-Roc- Rien-qu’Avec-ses-Ongles !
- Bon, pilez encore du riz ! On y va, mon grand frère et moi. Et puis, maman, si cette plante se fane, il nous sera arrivé quelque chose.
- Oui.
Ils partent, ils marchent, marchent… Voilà le monstre au travail ! Une petite chiquenaude de l’ongle, et le monstre tombe évanoui.
- Ici, s’écrie le monstre, aucun serpent ne passe, aucun milan ne passe, qu’est-ce qui peut causer une chose pareille ?
Il regarde mieux, et il voit le petit enfant. Il lui dit :
- Toi, tu dois rentrer à la maison. Tu n’es pas de force à lutter avec moi.
- Allons, dit l’enfant. Je suis le fils de Lenguvy, Né-du-Creux-du-Cœur, sais-tu bien ?
Il s’accroche au monstre, ils se battent pendant toute une semaine, et finalement le monstre faiblit. Il l’emmène aussi au village.
Ils ont marché, marché. Arrivés là-bas :
- Toi, tu nous garderas nos poules.
- D’accord, dit le monstre, à moi tu peux faire ça, mais jamais à l’Arracheur-d’Arbres-Rien-qu’Avec-ses-Ongles. C’est comme ça qu’il s’appelle, ce monstre-là. Tu ne peux rien lui faire, dit-il, si tu as pu nous faire cela à nous. Pourquoi ? Oui, pourquoi ?
- C’est bon, mettez du riz à sécher.
Il part encore une fois, avec son grand frère.
- Pilez du riz, nous partons avec mon grand frère.
On a pilé le riz en cadence, à trois pilons.
Ils sont partis. Ils ont marché, marché, comme ça.
- Maman si cette plante se fane, c’est qu’il nous sera arrivé quelque chose.
- Oui.
Donc, ils sont partis. Ils ont marché, et arrivés là-bas, ils voient le monstre en train de déraciner des arbres. Une petite chiquenaude, et le monstre tombe évanoui.
- Ici, s’écrie le monstre, aucun serpent ne passe, aucun milan ne passe, qu’est-ce qui peut causer une chose pareille ?
Alors il voit le petit garçon.
- Il s’est passé combien de mois depuis ta naissance, mon petit ?
- Oh, un mois seulement.
- Eh bien, il vaut mieux pour toi que tu rentres, tu n’es pas de force à lutter avec moi. Si je te mange, je n’en aurai même pas mon content. Il vaut mieux que tu rentres.
- Allons, dit l’enfant. Je suis le fils de Lengivy, Né-du-Creux-du-Cœur.
Et aussitôt il le frappe, il le prend à bras le corps. Et au bout de deux jours de lutte, le monstre faiblit. Il l’emmène. Ils partent, ils marchent, ils marchent, et une fois arrivés au village, on l’emploie à garder les poules pour qu’elles ne picorent pas le riz qui sèche.
- D’accord, dit le monstre, mais jamais, au grand jamais, tu ne pourras faire ça au fameux Taureau-de-la-Forêt. Lui, il est notre chef à tous, à nous autres les monstres. Nous sommes cinq de la même compagnie.
Ils partent encore. Et à sa mère il a dit :
- Cette fois, je n’y échapperai pas, je vais mourir, mais ne dis pas aux monstres que je suis mort, qu’ils ne le sachent pas, car ils se retourneraient contre vous.
Sa mère lui répond :
- Oui. (…)
Il a pris les devants et il a appelé. Il a appelé alors le monstre, une fois, deux fois… Au bout d’un moment, le monstre s’est aperçu de sa présence :
- Ça sent l’homme ici. Où est-ce que tu vas ? dit le monstre.
- Eh oui ! Il y en a des espèces de monstres dans cette forêt… J’en ai déjà capturé quatre. Tu seras le cinquième, je suis venu te prendre.
- Oh oh ! Mon enfant, tu peux rentrer. Si je te mangeais, ça ne serait même pas assez pour moi.
Le montre l’attrape. Il le frappe d’un coup de couteau qui arrive sur une montagne, lancé par son doigt.
- Allons, dit l’enfant. Je suis le fils de Lengivy, Né-du-Creux-du-Cœur, sais-tu bien ?
Il lui saute dessus à son tour, et il reste sept jours sur le monstre. Tout le pays était piétiné là où lui et le monstre se battaient. Finalement il tombe sous l’étreinte du monstre.
Pendant toute une semaine, son grand frère a cherché l’endroit où ils s’étaient battus, sans rien trouver. Finalement il a trouvé son petit doigt. Et ce petit doigt, il le lui avait recommandé par avance : s’il le trouvait et qu’il avait encore un tout petit peu de vie, il devait le mettre dans une malle.
On l’enferma donc dans une malle, et le lendemain quand on a ouvert la malle pour le regarder, il commençait à se métamorphoser, le surlendemain, il était devenu un serpent, le jour suivant un caméléon, et le jour d’après il était redevenu lui-même.
- Pilez du riz, parce que le cadet va partir prendre sa revanche, dit-il en présence de son frère aîné.
Il s’adressait aux autres monstres, qui étaient bien dociles, bien dressés à piler du riz à tout moment.
- Maman, si cette plante se fane, c’est qu’il nous sera arrivé quelque chose.
- Oui.
Bon ! Ils partent encore une fois. Arrivé là-bas, le garçon appelle encore le monstre. Il arrive :
- C’est encore toi, mon petit ?
- Oui, c’est moi, je ne suis pas encore mort, sais-tu ?
Bon ! Il serre le monstre dans ses bras. Pendant toute une semaine, il est resté sur le monstre, en lui serrant la tête entre ses cuisses … Il voit les yeux du monstre qui chavirent… Il lui arrache ses canines puissantes et ses griffes. Et le monstre énorme faiblit. Il l’emmène encore et lui fait traverser le village. Tout le village prend la fuite, tellement ils sont stupéfaits de voir ce monstre.
- Ils vont nous tuer, avec ce monstre énorme. Quelle panique, disent les gens du village.
- Ne craignez rien. Ne crains rien, maman ! C’est mon affaire.
Et le monstre est resté là, assis, sans bouger, toute une semaine après leur arrivée. Le gerçon s’est mis à réfléchir. Ayant bien réfléchi, il se dit :
- Je vais les tuer, tous ces monstres.
Il les fait descendre l’un après l’autre, et il les tue tous en les jetant à l’eau. Tous lesmonstres sont morts.
Et c’est là l’origine des plaines déboisées de l’Androna. C’est l’origine des rocailles de toute cette région : ce sont les monstres en question qui y ont détruit toute la végétation. Voilà l’origine des plaines de l’Androna : ce sont les monstres qui les ont déboisées.
Voilà : c’était mon conte.
Fulgence FANONY
L’Oiseau Grand-Tison
Et autres contes Betsimisaraka du Nord
Littérature orale Malgache
tome 1
L’Harmattan