Conte: Le gourmand

Publié le par Alain GYRE

 

Le gourmand

Fabliau Betsimisaraka

Recueilli à Ranomafana (province d'Andevoranto).

 

Un homme très gourmand, qui avait tendu des pièges, prit un jour un gros fanaloka ; il brûla d’abord la fourrure, puis déposa l’animal auprès de son village.

Ce gourmand était père d’une nombreuse famille : il voulut cette fois jouer un tour à sa femme et à ses enfants pour manger tout seul l’excellent gibier qu’il avait pris.

Il se frotta le corps avec des feuilles d’ampy qui lui firent venir des boutons rouges, et, rentré à la maison, dit aux siens :

« Votre père et grand-père est bien malade, et serait heureux de vous voir tous avant sa mort. Allez-y vous autres. Quant à moi, je suis aussi malade, et incapable de marcher. »

Tout en parlant ainsi, il s’enveloppait frileusement dans une rabane et s’accroupissait près du foyer.

La mère et les petits se mirent en route en sanglotant.

Quand ils arrivèrent chez le grand-père, on les questionna sur l'état de leur santé, ce à quoi ils répondirent :

« Nous nous portons bien, mais nous avons appris que tu es très malade, papa, c'est pourquoi nous venons te voir. »

Les gens de la maison répondirent :

« Il n’y a pas de malade ici ».

Alors la femme s’écria :

« Mon mari est donc un menteur! »

Cependant le mari, resté à la maison, fit cuire son gibier et le mangea. Il ne s’arrêta qu'après avoir tout dévoré, en se disant qu’il ne fallait rien laisser perdre d’un si excellent gibier.

Puis il se mit au lit.

Sa femme revint furieuse et lui dit :

 « Que tu es malhonnête! La personne que tu as prétendu être très malade, se porte admirablement! »

Lui répondit :

«Je n’y étais pas pour le voir, je l'ai entendu dire seulement. »

Et toi, comment vas-tu, dit la femme un peu apaisée ».

 « Je suis encore bien malade. Donne-moi un vase : j’ai envie d’aller à la selle. »

La femme lui en donna un; il l'emplit de ses déjections, lesquelles puaient tellement qu'il était impossible de rester dans la maison à cause de l’odeur suffocante.

Et sa femme, très contrite, lui dit :

« Ah ! tu es réellement bien malade ! »

 

Contes de Madagascar

Charles RENEL

 

 

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