Le Malagasy, le « fihavanana » et la mort

Publié le par Alain GYRE

Le Malagasy, le « fihavanana » et la mort

caveau familial

Les Malagasy ont une relation particulière avec la mort. Selon la croyance ancestrale malagasy, une personne décédée rejoint en effet les esprits des ancêtres dont le principal rôle est de protéger les vivants. C’est pour cela que dans les 4 coins de l’île, les rites funéraires, de l’agonie à l’enterrement, sont si importants. Et c’est le « fihavanana » qui prédomine.

Que font les Malagasy en cas de décès d’un proche ?

« Fihavanana » ou fraternité, c’est le mot d’ordre de tous les Malagasy.

C’est ce « fihavanana » qui prédomine surtout en cas de décès d’un proche.

En cas de décès d’un proche, les membres très de la famille ainsi que les voisins se précipitent pour le rite appelé « fitsapana alahelo ». L’objectif de ce rituel est de faire bloc avec la famille du défunt. Car dans la vie, les joies se partagent et les peines aussi.

Les proches affichent lors du « fitsapana alahelo » leur volonté d’accompagner et d’aider la famille jusqu’à l’enterrement. En effet, dans la culture malagasy, le défunt est gardé dans sa maison jusqu’à la levée du corps. Généralement, un corps est enterré 2 à 3 jours après le décès. Toutefois, dans d’autres régions de la Grande Ile, la mise en terre est faite des semaines ou des mois après le décès. C’est surtout le cas dans la région d’Androy.

Tout le monde s’attelle donc pour que ces derniers jours passés avec le défunt se passent dans les meilleurs des cas. On déplace les meubles pour pouvoir accueillir le plus grand nombre de personnes. On installe des chapiteaux et des bancs ou des chaises dans la cour pour ceux qui ne peuvent plus entrer dans la maison. On planifie les repas à servir… Le décès d’un proche est un moment pour les Malagasy de retisser les liens familiaux, de renforcer le « fihavanana ».

Présentation du corps du défunt dans un foyer des hautes terres.

Le « famangiana » ou présentation des condoléances

Une fois les installations réalisées, les familles proches ou lointaines ainsi que les connaissances (amis, collègues…), se présentent deant la famille du défunt pour le « famangiana ». On y vient généralement en groupe.

Le « famangiana », c’est un rituel de « kabary » ou discours. C’est le moment officiel de présenter ses condoléances. L’objectif est aussi d’affirmer encore une fois la compassion et la solidarité avec la famille du défunt. Le message principal véhiculé lors de ce rituel est : nous sentons la même douleur puisqu’on est un.

Lors du « famangiana », la parole est toujours donnée à l’homme le plus âgé du groupe. Mais, comme notre époque évolue, on trouve de plus en plus de femmes à la tête du « famangiana ».

Marque de cette douleur communément supportée, ceux qui vont présentent leurs condoléances offrent ce qu’on appelle le « fao-dranomaso », une enveloppe contenant une certaine somme d’argent. C’est un devoir ou « adidy » que les vivants doivent faire, en signe de contribution aux charges relatives aux funérailles.

Il est à noter qu’une famille ayant un membre décédé ne demeure jamais seule. Les proches et les connaissances peuvent rester sur place toute la journée et/ou toute la nuit pour rompre le silence ou « manala fahanginana ». Et ce, jusqu’à l’enterrement.

La famille du défunt a le devoir de nourrir cette assistance et selon la coutume, on évite les repas copieux.

Les veillés funèbres ou « fiandrasam-paty »

Dans la culture malagasy, on accompagne le défunt et sa famille de jour comme de nuit. C’est pour cela que les Malagasy font le « fiandrasam-paty » ou veillée funèbre. L’objectif est de ne pas laisser seule la famille proche du défunt.

Chants religieux et profanes se succèdent ces soirées de « fiandrasam-paty » qui durent jusqu’au petit matin. Il se peut aussi que le « fiandrasam-paty » se transforme en soirée karaoké. Ce moment va permettre aux membres de la famille du défunt de se relâcher un peu.

Généralement, on sert du pain et des boissons chaudes (café ou thé)… Mais en vérité, l’alcool y coule aussi à profusion.

Le « fiandrasam-paty » est un rite largement pratiqué en campagne et tout le village y participe. Malheureusement, pour des raisons de sécurité, on entend de moins en moins de veillées funèbres en ville.

Le jour de l’enterrement

Le jour de l’enterrement, c’est une journée ponctuée de rites.

Dès le petit matin, quelques membres de la famille, généralement quelques hommes, vont ouvrir le caveau familial. Ce dernier se trouve généralement dans le village ancestral du défunt, à la campagne. Pour les Malagasy, le doyen ou la doyenne de la grande famille détient la clé du caveau familial.

D’autre part, il y a le « famonosan-damba », ou l’enveloppement du corps du défunt avec des linceuls (ou « lamban-drazana ») en soie (« landy »). Dans la culture malagasy, un défunt peut en effet être enveloppé de plusieurs couches de « lamban-drazana ». Le tout va être ensuite ficelé par des gros fils de soie. Selon la tradition malagasy, le linceul doit être ficelé 7 fois, le chiffre parfait et complet. Ce sont uniquement les hommes de la famille qui exécutent le rituel du « famonosan-bamba » et c’est au plus jeune de faire le dernier nœud.

Avant l’enterrement, généralement, 3 offices religieux sont réalisés : le premier à la levée du corps, le second à l’église ou au temple et le dernier au caveau familial.

 

Les typiques caveaux funéraires des hautes terres malagasy.

Marque du « fihavanana », le caveau malagasy peut abriter plusieurs membres de la grande famille et l’enterrement est parfois l’occasion d’envelopper les défunts de nouveaux linceuls. Généralement, on regroupe quelques corps dans le même linceul, toujours en « landy ». C’est aussi le moment d’intégrer dans le caveau familial les corps mis en terre à l’extérieur. Selon la tradition, les bébés ne sont pas immédiatement mis dans le caveau. Idem, en cas de 2 décès successifs en moins de 3 mois. Ce type de tombeau de fortune s’appelle « fasana an’irotra ».

Le « fisasana » ou la grande lessive

Selon la croyance ancestrale malagasy, les rivières ou les fleuves emporteraient les malédictions, les impuretés, les maladies… C’est pour cela que quelques jours après l’enterrement, toute la famille du défunt se rejoint pour faire la grande lessive. La date du « fisasana » est généralement fixée avec le « mpanandro » ou l’astrologue de la famille.

fisasana

Selon la croyance ancestrale malagasy, les rivières ou les fleuves emporteraient les malédictions, les impuretés, les maladies…

Le « famadihana » ou retournement des morts

Le famadihana est une coutume typiquement malagasy qui est généralement pratiquée sur les hautes terres (Merina). On peut traduire le « famadihana » par le retournement des morts. On remplace les anciens linceuls par des nouveaux.

Pour les Malagasy, le « famadihana » est l’occasion d’honorer les ancêtres, de tisser davantage de « fihavanana » puisque c’est toute la grande famille qui est réunie lors de cet avènement spécial. Généralement, le « famadihana » est réalisé tous les 5 à 7 ans. Rituels, grands banquets, sacrifice de zébus, hira gasy et grand bal rythme ce grand évènement. Le « famadihana » peut durer quelques jours et les dates sont fixées par le « mpanandro » de la famille. Mais, dans la plupart des cas, il se déroule pendant la saison sèche.

famadihana

Pour les Malagasy, le « famadihana » est l’occasion d’honorer les ancêtres, de tisser davantage le « fihavanana ».

Nous allons revenir plus longuement sur le « famadihana » dans un prochain article.

En conclusion

Même les évènements tragiques comme la disparition d’un(e) membre de la famille démontrent l’importance des liens familiaux et fraternels entre les Malagasy. C’est l’esprit du « fihavanana » qui soude la famille et qui dicte chaque action, chaque rituel… Vivement que chaque partent transmette à ses descendants l’importance de ce « fihavanana » et de ces pratiques afin que perdure l’adage « Velona iray trano, maty iray fasana » (unis dans la vie comme dans la mort).

 

https://mada-actus.info/art-et-culture/le-malagasy-le-fihavanana-et-la-mort/

 

Publié dans Culture, Traditions

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