Conte: Le mort

Le mort
Conte Betsimisaraka
Recueilli à Soanierana (province de Tamatave).
(Conte arabe adapté probablement à une date assez récente).
Le capitaine d’un vaisseau épousa, dit-on, une jeune fille, puis partit pour un long voyage.
Pendant son absence, le fils du roi eut des relations avec la jeune femme.
Or, une nuit qu’il était couché avec elle, le capitaine revint. Il rentra sans lumière, s’approcha du lit et sentit qu’il y avait un homme, à côté de sa femme. 11 prit son couteau et tua cet homme. Puis il alluma une lumière et il vit que l’homme tué était le fils du roi de la ville. Il s’enfuit dès le matin et s’embarqua.
La femme, après avoir réfléchi, fit sortir tous ses vêtements du vata (coffre), puis elle y mit le cadavre.
Le soir, elle fit transporter le vata au dehors et on l’abandonna dans un lieu peu fréquenté.
Des voleurs se dirent que quelqu’un avait oublié là ses vêtements, et que le coffre serait de bonne prise.
Vers minuit, ils vinrent le prendre, le portèrent en lieu sûr et l’ouvrirent.
Lorsqu’ils virent le cadavre du fils du roi, ils se hâtèrent de porter le vata dans un champ de manioc, où ils l'enfouirent.
Le propriétaire au matin vint bêcher son champ et trouva le coffre. Il l’apporta dans sa maison, l’ouvrit et fut fort effrayé à la vue du cadavre. Il le transporta chez un sorcier et le laissa dans la cour, où on le trouva.
Le roi fit aussitôt arrêter le sorcier et lui demanda comment le cadavre de son fils se trouvait chez lui, en menaçant de les faire mourir, lui et sa femme.
Le sorcier était fort embarrassé et ne savait que répondre; il se contenta de protester de son innocence.
« Si tu ne peux pas m’expliquer demain matin comment le cadavre de mon fils se trouvait dans ta cour, tu mourras. »
Le sorcier et sa femme, rentrés chez eux, délibérèrent sur ce qu’ils pourraient faire : voici à quoi ils se décidèrent.
Ils allèrent au milieu de la nuit près de la maison du roi, là où se trouvait le tombeau des ancêtres, et le mari cria:
«Ne fais pas mourir les gens, car ce n’est pas l’habitude des ancêtres. »
La femme dit à son tour.
« Il ne faut pas tuer des gens, c’est impossible. »
Le roi et sa famille entendirent ces voix de l’intérieur de la maison ; le lendemain, le roi fit venir les deux époux et leur dit :
« Je ne vous tuerai pas, parce que mes ancêtres m’ont recommandé cette nuit de ne pas le faire. Vous pouvez rentrer chez vous. »
Ils s’en allèrent bien contents, et voilà comment ils échappèrent à la mort.
Contes de Madagascar
Charles RENEL