Conte: Le pêcheur et l’être

Publié le par Alain GYRE

 

Le pêcheur et l’être

Fabliau Betsimisaraka

Recueilli à Ranomafana (province d’Andevoranto).

 

La femme d'un pêcheur enfanta.

Quand l’enfant fut grand, le père laissa sa nasse pour aller chasser le sanglier. Il prit un sanglier et le donna à sa femme et à son enfant.

Quand la viande fut cuite, l'enfant la servit.

Cependant de l’autre côté de la rivière un homme appela :

«Kalo! Kalo ! (c’était le nom de la fille du pêcheur) amène-moi une pirogue, que je puisse traverser la rivière !

- Je ne sais pas ramer à la pagaie, répondit Kalo.

- Un radeau alors.

- Je ne sais pas ramer à la perche.

- Un tanatanandrofia alors !

- Je ne sais pas non plus le faire marcher.

- Que tu m’amènes ou que tu ne m'amènes pas de barque, je traverserai la rivière, j'entrerai dans la maison de ta mère. »

I1 entra, fit les saluts d'usage et dit à Kalo

« Qu'est-ce que tu fais cuire?

- Un sanglier.

- Pourquoi ne grogne-t-il pas?  

- 11 est mort.

- Pourquoi ne sent-il pas mauvais?  

- Il est déjà salé.

- Tu te moques de moi. Je vais d'abord manger ton sanglier. Puis je te percerai la fesse, ensuite je me sauverai. »

Kalo, lorsque sa mère revint de la forêt, ne lui dit pas ce qui s'était passé, et, quoiqu’elle ne pût pas s’asseoir en travaillant le rafia, elle ne montra pas sa fesse blessée.

Son père rapporta un sanglier.

Quand Kalo fut seule, on l’appela encore de l’autre côté de la rivière.

Tout ce qui était arrivé la veille se reproduisit.

 Après quelques jours la plaie de Kalo s’agrandit et elle dit à sa mère que quelqu’un avait mangé son sanglier et l’avait battue.

a mère dit à son mari :

« Nous allons tuer l’être qui a blessé notre fille.

- Mets-toi à côté de la porte; moi, je vais me mettre sur la planche aux provisions. »

Kalo fit cuire un troisième sanglier.

 Quand la viande fut à point, l’être, attiré par l’odeur, arriva et posa les mêmes questions que précédemment.

Kalo cria à ses parents :

« Le voici, il vient, gardez-vous! »

Quand l’être entra, le père de Kalo fut si effrayé qu’il laissa tomber des excréments.

« Qu’est-ce que cela, Kalo? dit l'être.

- Ce sont des rats qui chient.

- Ta mère rentrera-t-elle bientôt?

- Non.

- Je vais manger ton sanglier; je blesserai de nouveau ta fesse, et je m’enfuirai. »

Pendant qu’il parlait ainsi, la mère lui jeta une sagaie et il tomba.

Ensuite elle descendit de la planche. Le père ramassa la sagaie et dit :

« Si tu n’avais pas été là, l'enfant serait morte.

- Quel homme faible tu fais, tu n’es bon à rien qu’à chier. »

 

Voilà mon petit récit, mon grand conte. Si vous pouvez y répondre, il fera beau; sinon il pleuvra.

 

Contes de Madagascar

Charles RENEL

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article