Histoire du pays et des populations: Les Bara Imamono - Raymond DECARY

Publié le par Alain GYRE

Les Bara Imamono

Recueilli à Ankazoabo

Histoire du pays et des populations

 

Le roi Bara Ilaimanjaka fut le premier vainqueur du Masikoro Andravola et devint seul maître du pays. Mais celui-ci lui envoya des hommes non pas pour lui déclarer la guerre, mais dans le but de savoir quelle était la cause de son ingratitude, et, peut-être aussi, il voulait continuer les relations d'amitié qui existaient autrefois entre eux.

Malheureusement ceux-ci ne furent pas bien accueillis, ils furent tous massacrés par les Bara, eux qui ne songeaient à rien, et d'ailleurs dépourvus d'armes pour se défendre. Quel acte cruel et barbare !

Bientôt après, le bruit de cette nouvelle lamentable se faisait entendre partout et chez tous les Masikoro qui se disaient :

« Novonoin'ny Bara rolahy é '! » Hélas, les Bara les ont tués !

Par conséquent, pour ne pas oublier ce fait très regrettable, les Masikoro ne manquaient pas de dire dans leurs causeries :

« Ny Bara mamono longo » 0), les Bara tuent leurs amis.

De plus il est d'usage chez les Masikoro Andraivolo, depuis lors jusqu'à présent, de jurer sérieusement en ce terme quand ils veulent faire croire ce qu'ils disent :

« Lehe ihoarako ny Bara namono ! », je jure par les Bara qui ont massacré mes parents !

Plus abrégé encore : « Lehe ny Bara namono ! », terme qui a la même signification que ci-dessus

De ce qui précède, nous avons déjà une idée de l'origine du nom auquel on désigne les habitants de cette région.

Cette manière de causer ou de s'exprimer, cette manière d'injurier devint par la suite un terme employé par les Andraivola pour désigner ces Bara, en ajoutant le préfixe I au mot mamono ;

Bara qui tuent, et en supprimant le complément longo, amis, qui devient sous-entendu (2).

Telle est, d'après les Bara eux-mêmes, l'origine du nom dont on se sert pour désigner ces émigrants.

Le grand mpanjaka des Bara Imamono a été le grand roi dit Impoinimerina. Après la mort d'Ilaimanjaka, ce fut son fils héritier appelé Rehandry qui monta sur le trône. Son nom, Impoinimerina, fut tiré du nom du pays Imerina par suite d'une relation d'amitié qu'il faisait avec les reines de l'Imerina. Impoinimerina fut un sage et intelligent roi et cela le fit aimer de son peuple (3).

Tout en gardant le village d'Antevamena, il construisit un village sur la rive droite de la rivière Sakanavaka, dans un endroit où se dressaient des hauts arbres, en raison de quoi le nouveau village fut appelé Ankazoabo, amin'ny hazo abo, aux arbres élevés.

C'est le nom du chef-lieu de district actuel.

A l'arrivée des Français, Impoinimerina montra une très grande confiance à la France, si grande que jamais il ne s'opposa à la domination française dans ce pays. De plus, durant l'insurrection, son peuple restait fidèle à la France.

Grâce à Impoinimerina, son cousin germain Napaka (4), qui était à Vohingeza à la tête d'un bande de fahavalo (5) bien armés et bien abrité, fut obligé d'abandonner son refuge et d'offrir sans tarder sa soumission. Nommé gouverneur principal du faritany (6) par le gouvernement de la République, le mpanjaka Impoinimerina aida l'administrateur Bastard (7) pour faire aimer la France dans le pays des Bara Imamono.

Il travailla dignement pour aider les administrateurs qui se sont succédé à la tête du district. C'était un très bon et fidèle serviteur de la France (8).

Après sa mort, ce fut son fils, le feu Rehandry, qui fut nommé gouverneur adjoint à sa place.

Maintenant c’est le sous-gouverneur Retsila. Retsila est le plus digne et le plus méritant des fils d'Impoinimerina ; c'est pour cela qu'il est estimé de tous ses chefs. Voilà en peu de mots ce qui concerne les Bara Imamono.

 

Notes :

(1) Longo, parent, ami.

(2) Les descendants d'Andriamanely, qui avaient pris le nom de Zafimanely, fondèrent les grands clans des Bara Bé, des Baras Vinda et des Bara Imamono, ces derniers formant le groupe principal. Celui-ci fut créé par Ratsimivily qui s'était établi à Anjia sur la rivière Ihosy. C'est sur l'histoire des Imamono que nous sommes le mieux renseignés. On possède en particulier à leur sujet le-; souvenirs d'Impoinimerina, recueillis par Bastard (Bastard.

(3) Impoinimerina, dont le nom primitif était Rehandry, fut le plus célèbre des rois Bara. Il s'installa à Isahaina où avait régné son père. Il cntretint un climat d'amitié avec le gouverneur merina de Tulear. En 1897, il se rendait à Tulear pour accueillir le représentant français et le conduire lui-même à Ankazoabo. Auparavant, il avait déjà offert au Résident Estèbe un secours de mille guerriers pour combattre les bandes de TompomiKVana, chef rebelle des Masikoro. Il eut vingt-neuf enfants de ses différentes femmes ; parmi eux, il y eut deux jumelles, dont aucune ne fut mise à mort ou abandonnée dans la forêt, contrairement à la coutume, alors très générale qui voulait qu'un cas de naissance gémellaire, un seul des nouveaux-nés soit conservé. Après sa mort, son fils ainé Rehandry (il portait le même nom que son père) devint chef des Bara Imamono.

(4) Ou plus exactement Inapaka.

(5) Réfractaires. Le mot fahavalo désigne plutôt des bandits, des gens se livrant à des attaques de villages à main armée. Mais ici, il s'agit seulement de groupements insoumis.

(6) Territoire.

(7) Bastard, voyageur-naturaliste du Museum d'Histoire naturelle de Paris, était venu en mission scientifique à Madagascar. Il explora le sud de l'ile, et, en juillet 1897, participait comme volontaire à la prise d'Andonaka, où il fut blessé. Il passa ensuite dans le corps des administrateurs coloniaux et fut affecté dans le Sud-ouest qu'il affectionnait. Il mourut en 1910 et est inhumé à Fort-Dauphin. Il a publié une douzaine de notes et articles sur le sud- ouest de l'ile, le principal étant « Les mémoires d'un roi Bara ». C'est aussi à lui qu'on doit la découverte dans le Mahafaly d'une sorte de gerboise, le Macrotarsomys Bastardi, du sud du Mangoky, considéré alors comme très rare, mais dont j'ai reconnu plus tard l'abondance dans la région dA'mbovombé.

 

Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar

Raymond DECARY

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