Conte: Les deux époux sans enfants

Publié le par Alain GYRE

 

Les deux époux sans enfants

Conte Antankarana

Recueilli à Manakana 'province de Vohemar).

 

Deux époux très riches n'avaient pas d'enfants.

Un jour, voulant savoir s’ils en auraient ou non, ils allèrent chez Ranokonihe pour faire le

sikidy. Ranokomhe, après avoir fait le sikidy’, leur dit : « Vous pouvez avoir des enfants, mais allez dans la forêt là-bas, emportez une hache, un coutelas, une grande aiguille, une bêche et une petite aiguille. Une fois arrivés, vous trouverez un arbre d’une hauteur extraordinaire, avec des feuilles très vertes. Coupez-le,-en employant successivement vos instruments, et arrachez-en des feuilles; ce que vous cueillerez se transformera en enfants. »

Les deux époux se rendirent à la forêt avec les cinq instruments indiqués par Ranokombe.

Bientôt ils trouvèrent l’arbre, mais chacun d’eux hésitait à le couper.

Enfin le mari se décida à essayer. I1 employa l’un après l’autre, les cinq instruments, mais c'est avec la grande aiguille seulement qu’il réussit à faire tomber l’arbre.

L’arbre une fois parterre, les deux époux se disputèrent encore, selon leur habitude, à qui en cueillerait les feuilles. La femme à la fin en arracha d’un seul coup une certaine quantité. Elle les emporta dans sa case, les plaça dans un panier propre, et tous les matins elle en buvait une infusion. Elle devint alors enceinte.

Le mari dit : « Si l’enfant est du sexe masculin, je lui donnerai le même nom que moi. »

Neuf mois après, leur naquit un fils que le père appela Andriambaomanana.

Lorsqu’il put marcher, sa mère conçut pour la seconde fois.

Mais ce second enfant ne devait sortir du ventre de la mère, que lorsque son aîné Andriambaomanana aurait de la barbe. Avant sa naissance, il dit:

« Je ne sortirai pas, maman, à moins que tu ne te places sur un lit en or. »

En entendant ces paroles, le père fut stupéfait et il ordonna à son fils Andriambaomanana de faire gronder le canon, car il pensait que sa femme Rangarangarandanitra allait mourir.

Cependant l’enfant parla encore dans le ventre maternel : « Je ne sortirai pas, maman, à moins qu’on ne me prépare un matelas en laine. »

Andriambaomanana dit de nouveau à son fils de faire gronder le canon, car Rangarangarandanitra allait mourir.

L’enfant parla une troisième fois : « Avale un couteau et je sortirai. »

Alors sa mère avala un couteau ; l'enfant le prit, fit une entaille au flanc maternel et sortit. Puis il appuya la main sur le ventre de sa mère et la plaie fut complètement guérie.

Cet enfant, dit-on, avait déjà de la barbe dès le sein maternel.

Le père dit alors a ses deux fils, Andriambaomanana et Randriamilalaovola : « Aimez-vous bien, mes chers enfants ; je n'ai que vous deux et |e veux que vous vous accordiez. Toi, Randriambaomanana, ne prends pas la femme de ton cher cadet, et toi, Randriamilalaovola, ne désire pas la femme de ton aîné; ce serait fait pour briser l’affection entre vous deux. »

Mais au bout d’un certain temps Andriamilalaovola oublia les conseils de son père et résolut de prendre la femme de son frère ainé. Le père s’en douta ; il appela encore ses deux fils et leur rappela ses conseils d’autrefois. Mais Andriamilalaovola se disait en lui-même:

 « Je ne serai heureux que lorsque Kitanandrofamazava (c'était le nom de la femme de son frère) sera à moi. »

Et ce même jour, ayant préparé des provisions de route, il s’enfuit avec sa belle-sœur.

Ils parcoururent quelque distance et s’arrêtèrent sur une haute montagne pour s’y reposer quelques instants.

Le pauvre Andriambaomanana, qui les suivait, aperçut de loin le haut de la tète de son frère, et lui cria aussitôt : « Andriamilalaovola, si tu nie rends Kitanandrofamazava, je te donnerai volontiers nos troupeaux de bœufs, notre belle et grande maison et l'héritage de nos parents.

- Andriambaomanana, ô mon frère, pourquoi abandonnerais-je ce que je possède enfin, et ce que je rechercherais après quelques jours t D’ailleurs ne vois-tu pas que je reviendrai bientôt pour prendre le reste ? »

Pourtant Andriambaomanana ne voulut pas céder sa bienaimée à son cadet, et il recommença de l'appeler : « Andriamilalaovola, si tu me rends... etc... »

Et il continua de les suivre.

Mais voilà que dans un village, il tomba malade et mourut.

Sa mère l'attendit longtemps à la maison, mais jamais plus il ne revint. Alors elle dit à son mari :

« J’ai peur que mon fils soit malade ; je veux partir à sa recherche.

- N'y va pas, n'y va pas; je craindrais que tu ne meures là-bas. »

Elle resta donc chez elle.

Cependant Andriamilalaovola et sa compagne arrivèrent près de la case d’un riche propriétaire appelé Ralahibevato.

Andriamilalaovola cacha Kitanandrofamazava dans un champ et entra seul dans la maison où il ne trouva personne.

Il se plaça sous un grand escabeau.

Ralahibevato, de retour chez lui, s’assit sur son siège habituel, puis, trouvant dessous un homme, il crut que c’était un enfant que les Etres lui donnaient et l'adopta pour son fils.

Peu de temps après, il eut très mal à la gorge, et s’en plaignit à Andriamilalaovola. Celui-ci lui dit d'appeler tous les serviteurs, qu’il se chargeait de la guérison.

Quand ils furent réunis, il leur ordonna d'aller chercher des pierres et de les tailler en forme de boules ayant la grosseur de la bouche.

Quand il les eut, le rusé petit en prit une et la rougit au feu. Puis, la retirant, il la fit avaler par son père adoptif trop crédule, qui mourut.

Il appela alors sa femme Kitanandrofamazava et tous deux devinrent propriétaires des richesses de Ralahibevato.

 

Contes de Mdagascar

Charles RENEL

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