Conte: Les époux pauvres et leurs enfants - Raymond DECARY

Publié le par Alain GYRE

Les époux pauvres et leurs enfants (1)

Conte Masikoro, recueilli à Ankililoaka, district de Tulear

 

Un homme et une femme, dit-on, étaient très pauvres. Ils avaient trois enfants.

Un jour, la femme dit à lh'omme : « Nous n'avons rien à manger (2), nos enfants mourront sans doute de faim, et qu'est-ce que nous allons faire ? »

Lh'omme répondit : « Allons les porter dans la forêt et les laisser là-bas. Ils seront mangés par le méchant Bibibé ».

Le lendemain matin, ils emportèrent leurs enfants. En chemin, le plus jeune demanda :

« Où allons-nous, chers parents ?

- Nous chercherons de la nourriture dans la forêt », répondirent ces derniers.

Ils marchaient, puis leurs parents dirent :

« Connaissez-vous cet endroit ?

- Oui, dirent les petits, car c'est ici que nous cherchons du bois à brûler ».

Arrivés un peu plus loin, les parents demandèrent aussi :

« Et ici, vous le savez ?

- Evidemment, répondirent les pauvres petits, car c'est ici que nous cherchons de quoi manger ».

Enfin ils arrivèrent dans la grande forêt.

Là, les parents disaient : « Restez ici, nous allons chercher de la nourriture pour nous. »

Ils quittèrent leurs enfants en prenant une autre bifurcation pour rejoindre leur village.

La nuit arrive. Les trois enfants cherchaient leurs parents dans la forêt ; ils appellent en disant : « Papa ! Maman ! »

En entendant cela, le grand Bibibé répondit : « Ho ! Ho ! »

Ils répétèrent cela, tout en se dirigeant vers la grosse voix.

Enfin un grand animal leur approcha et leur dit : « Où allez vous ? »

Les petits effrayés répondirent : « Nous allons chercher nos parents car ils nous ont dit qu'ils vont chercher notre nourriture».

Le Bibibé :

« Est ce que vous ne savez pas que c'est moi qui suis avide du sang d'enfants comme vous ?

- Pardonnez-nous, Monsieur, dit le petit frère, vous allez nous manger, mais voyez : nous sommes encore maigres, vous n'avez qu'à nous en- graisser ».

Le Bibibé accepta ; il emporta les enfants et les engraissa.

Pendant qu'il les engraissait, il demanda chaque nuit à ces enfants :

« Est-ce que vous êtes gras ? »

Le petit frère lui répondit :

« Nous ne le sommes pas, car vos animaux nous embêtent ».

Alors le Bibibé prit la hache et tua ses animaux.

Mais cependant, le petit frère prépare un chemin pendant que le Bibibé allait chercher leur nourriture.

Un jour, les trois enfants prenaient la fuite car ils ont fini le chemin dans la forêt.

En revenant de sa chasse, le Bibibé ne trouva plus les enfants. Il se mit à les poursuivre et les rejoignit près d'un grand bois, mais les trois enfants furent montés en haut des arbres.

Le Bibibé, en voyant ces enfants, se jette sur l'arbre et tombe.

Enfin le Bibibé est mort.

Les petits descendirent de l'arbre, découpèrent l'animal et lui ouvrent le ventre.

Heureusement, ils y ont découvert un sac plein de piastres (3-4). Cela appartenait à un homme riche, mangé par le Bibibé il y a peu de temps.

Les trois enfants fort contents rentrèrent dans leur village et retrouvèrent leurs parents. Ils furent riches. Ils vivaient ensemble en paix dans la maison paternelle où ils furent aimés par tout le monde.

 

Notes :

(1) Conte de même inspiration que le précédent. Il s'agit encore d'Indrimo, dont le nom est simplement remplacé par celui de Bibibé qui signifie bête énorme ou monstrueuse.

(2) On voit combien, dans les contes du Sud-ouest, est fréquent le thème du manque de nourriture et de la recherche d'aliments. Le Sud et le Sud-ouest étaient, aux époques passées, des régions pauvres en ressources, peu ou mal arrosées, et où le riz, en bien des endroits, ne pouvait être cultivé. En outre, avant le XVIIIe siècle, les cactus ou raiketa, dont le fruit peut fournir un appoint alimentaire, n'étaient pas encore introduits. Les famines, dont nous avons déjà parlé, étaient fréquentes, et dans ces conditions, les contes locaux ne peuvent manquer d'y faire de fréquentes allusions.

(3) De pièces de cinq francs.

(4) Ici l'homme a été digéré, mais les pièces d'argent ont résisté.

 

Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar

Raymond DECARY

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