Conte: Les quatre frères qui voulaient s’entraider dans leur travail
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Les quatre frères
qui voulaient s’entraider dans leur travail
Il était autrefois un grand homme,
Qui ne restait point coi, mais qui point ne cancanait.
Ce n’est pas moi qui mens, ce sont les grands d’autrefois.
La tabatière de bambou cache bien son jeu,
L’homme malhonnête, c’est toujours lui qu’on accuse.
Donc, il était une fois Grand-Premier-Né, et Puîné, et Cadet et Petit-Benjamin. Ils sont convenus de s’entraider dans leur travail, tous les quatre.
Ils ont travaillé tout d’abord chez Grand-Premier-Né. Et comme c’était chez Grand-Premier-Né qu’ils travaillaient, Grand-Premier-Né a cuisiné du bouillon d’oie. Tandis qu’il cuisinait son bouillon d’oie, chers amis, tout d’un coup apparaît une petite bête aux yeux un peu rouges.
La bête parle :
- Qu’est-ce que tu fais cuire ?
- Hé ! Cest une oie.
- Une oie, et elle ne cacarde pas ?
- Je lui ai coupé le coup.
- Si on lui coupe le coup, elle ne sent pas ?
- Je la boucane.
- Si on la boucane, elle ne brûle pas ?
- Je la fais cuire.
- Donne m’en une petite plume. Oh ! C’est bien bon, ça eh !
Il en a donné une plume.
- Que c’est bon ! Donne m’en encore un peu !
- Mon ami, même ceux qui travaillent pour moi n’en ont pas encore mangé, pourquoi est-ce que je t’en donnerais avant tout le monde ?
Alors ils se sont battus. Ils se sont tapés, ils se sont tapés, ils se sont tapés… Au bout d’un moment, voilà notre homme vaincu; la bête l’a ligoté, et l’a jeté dans un trou d’igname. Elle a mangé tout le repas, elle a mangé, mangé, et près avoir tout dévoré, elle a fait sa crotte dans les marmites de riz et de bouillon.
Et puis, elle s’est mise à appeler :
- Oh ! Vous tous, venez manger.
Alors qu’elle avait tout dévoré… Et puis elle disparaît dans les bois.
Quand les frères arrivent, ils demandent :
- Où est-ce que tu es ?
- Oh la la ! Je suis ici, les gars.
- Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ?
- Une petite bête aux yeux un peu rouges est venue ici. Elle m’a demandé du bouillon, je ne lui en ai pas donné beaucoup, alors elle s’est battue avec moi. Et elle m’a ligoté, et elle m’a jeté dans ce trou d’igname.
Cette fois il a fallu qu’ils rentrent au village pour manger. Et le lendemain, ils devaient travailler chez Puîné. Et comme ils devaient travailler chez Puîné, Puîné avait apporté un canard de Barbarie. Et pendant qu’il s’occupait du canard de Barbarie, les autres gars s’étaient mis au travail.
Tout d’un coup apparaît la petite bête aux yeux un peu rouges.
Elle dit :
- Qu’est-ce que tu fais cuire ?
- Un canard de Barbarie.
- Un canard de Barbarie, et il ne barbe pas ?
- Je lui ai coupé le coup.
- Si on lui coupe le coup, il ne sent pas ?
- Je le boucane.
- Si on le boucane, il ne brûle pas ?
- Je le fais cuire.
- Donne m’en une petite plume.
Il lui en donne une petite plume.
- Donne m’en encore !
- Mon ami, même ceux qui travaillent pour moi n’en ont pas encore mangé, pourquoi est-ce que je t’en donnerais avant tout le monde ?
Alors ils se sont battus. Ils se sont tapés, ils se sont tapés, ils se sont tapés… Au bout d’un moment, voilà notre homme vaincu encore; la bête l’a ligoté. Et, une fois ligoté, elle l’a jeté dans un trou d’igname. Après quoi elle a mangé encore tout le repas. Au bout d’un moment, elle l’a sorti du trou, et l’ayant sorti du trou, elle l’a détaché pour le ligoter encore plus serré. Et elle l’a remis dans le trou d’igname. Et puis elle a crié :
- Oh !
Elle avait tout dévoré, et fait sa crotte dans les marmites. Elle crie :
- Oh ! Oh !
Les frères arrivent. En arrivant, ils demandent :
- Où est-ce que tu es ?
- Oh la la, les gars ! Je suis ici, dans ce trou d’igname !
- Et qu’est-ce que tu fais là-dedans ?
- La petite bête aux yeux un peu rouges est encore venue ici…
Alors, on a sorti encore le Monsieur de son trou, et il a fallu encore aller au village pour manger. Et le lendemain, ils devaient travailler chez Cadet. Et comme il devait travailler chez Cadet, Cadet préparait du bouillon de poule< ; lui, c’était du bouillon de poule.
Et il préparait le bouillon de poule… Tout d’un coup apparaît la petite bête auxyeux un peu rouges. Elle dit :
- Qu’est-ce que tu fais cuire ?
- Une poule.
- Une poule, et elle ne caquette pas ?
- Je lui ai coupé le cou.
- Si on lui coupe le cou, elle ne sent pas ?
- Je la boucane.
- Si on la boucane, elle ne brûle pas ?
- Je la fais cuire. Donne m’en une plume !
Il lui en a donné un tout petit peu…
- Donne m’en encore !
Il lui en a donné encore un tout petit peu.
Au bout d’un moment :
- Donne m’en encore !
- Ah ça alors, l’ami, lui dit-il…
Et pan… ! Ils se sont battus. Ils se sont tapés, ils se sont tapés… Au bout d’un moment, voilà notre homme vaincu encore. Et une fois vaincu, la bête l’a ligoté, et l’a jeté encore dans un trou d’igname. Et puis elle a crié ;
- Oh ! Vous tous, venez manger.
Mais elle avait encore dévoré tout le repas, et elle avait fait sa crotte dans les marmites.
Ils viennent. Et quand ils arrivent, ils voient qu’il n’y a rien à manger.
- Où est-ce que tu es ?
- Oh la la, les gars ! Je suis ici, dans ce trou d’igname !
- Qu’est-ce qui s’est encore passé ?
- C’est la petite bête aux yeux un peu rouges…
Ils l’ont détaché, et cette fois encore il a fallu aller manger au village. Le jour suivant, on devait travailler chez Petit-Benjamin Plein-d’Ulcères. Et pour le travail qui devait se faire chez lui, il avait apporté un canard-tête-lisse. Pour lui, c’était un bouillon de canard-tête-lisse. Au bout d’un moment il a mis la marmite sur le feu. Quand le bouillon a été cuit, il a mis me riz sur le feu. Quand le riz a été cuit, il est allé dans les bois chercher de la glu, de la glu, de , comment, de tsebono. Il a récolté cette glu, puis il a fait un mannequin, et il lui a mis une banane mûre dans la main, et alors la bête est arrivée :
- Qu’est-ce que tu fais cuire ?
- Une poule.
- Une poule, et elle ne caquette pas ?
(Non, je me trompe ! C’est un canard !)
- Un canard, et il ne cancane pas ?
- Je lui ai coupé le cou.
- Si on lui coupe le cou, il ne sent pas ?
- Je le boucane.
- Si on le boucane, il ne brûle pas ?
- Je le fais cuire.
- Donne-m’en une petite plume.
- Ah ça alors… !
- Et puis donne-moi ta petite sœur que je vois là.
- Parle-lui donc toi-même ! Si tu ne lui donnes pas une claque sur les oreilles, elle ne parlera pas.
La bête commence par demander la banane mûre.
- Donne-moi ta banane, l’ami.
Clac : Une claque sur les oreilles.sa main reste collée.
- Cette fois-ci, je lui mets une claque de l’autre côté.
Pan… ! Il lui flanque un coup de pied. Et dès qu’il lui a flanqué un coup de pied, son pied reste collé.
- Relâche-moi, s’il te plaît.
- Ah ça alors… ! Tu nous a dévoré tous nos repas, et tu as fait à chaque fois tes besoins dans nos marmites…
Au bout d’un moment, le petit Monsieur appelle :
- Venez manger !
Ils sont venus. Et ils ont mangé, mangé, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus faim.
Et ils ont ramené la bête au village. L’ayant ramenée au village, les quatre frères l’obligeaient à jouer. Elle leur a dit :
- Moi, savez-vous, je sais danser, et j’ai une chanson à moi, qui dit :
- Cric, cric, crépite, la longue barbe,
Grâce et encore grâce…
Cric, cric, crépite, la longue barbe,
Grâce et encore grâce…
Au bout d’un moment, la bête dit :
- Entrebâillez, entrouvrez un peu la porte, les amis !
- On a entrouvert la porte de sa cage.
On a entrouvert la porte un peu plus large. A la fin elle était ouverte toute grande. Alors, la bête est partie, en disant :
- Cric, cric, crépite, la longue barbe,
Grâce et encore grâce…
Tout d’un coup, elle saute, et elle s’en va ! Elle était partie et bien partie, les amis.
- Nous allons inventer une ruse pour la ravoir.
On a préparé encore de la glu de tsebono,et on a fait encore un mannequin. Voilà la bête qui revient, avec une femelle cette fois.
- Ma foi ! Ça ! Donne-nous ta petite sœur, l’ami.
- Tu sais ? Donne-lui une claque.
Il lui donne une claque. Sa main reste collée.
- Donne-lui un coup de pied.
Il lui donne un coup de pied, le pied reste collé. Alors c’est à elle, à la femelle :
- Donne-lui aussi une claque, l’amie !
La femelle lui donne aussi une claque Clac ! Le mannequin ne veut rien dire. Clac ! la main reste collée. Pan. .. ! Un coup de pied, le pied reste collé. Pan… ! Un deuxième coup de pied. L’autre pied est collé aussi. Quand les deux bêtes ont été retenues comme ça par la glu, ils les ont tuées, là.
C’est ainsi que finit mon conte.
- Conte, conte, et zut !
Fulgence FANONY
Le tambour de l’ogre
Littérature orale Malgache
tome 2
L’Harmattan