Poème: Les regrets - Jacques Rabemananjara

Publié le par Alain GYRE

Les regrets

 

J’ai voulu retrouver quelque chose de toi,

De nouveau respirer un peu de ton parfum ;

Et je suis revenu tout seul au fond des bois.

 

Mais la route est si noire et le soir est si brun !

Notre bonheur n’est plus qu’un songe d’autrefois

Qui flotte tristement au seuil des jours défunts.

 

Le rêve disparu s’agite et me fait signe.

La barrière est franchie où naquit le Passé.

Ô Rampela, regarde au-delà de la ligne :

 

La lumière s’éteint. L’azur s’est effacé.

Et vois sur le versant nos destins qui s’alignent

Comme de faux ibis dont l’essor s’est lassé.

 

Je cherche vainement tes pas sur le gazon.

Je murmure ton nom à l’herbe où nous passâmes.

Mais la rose a trahi les vœux de la saison.

 

Les vents ont dispersé les secrets de nos âmes.

Les lotus dans le puits tombent sans floraison.

Les sables blancs ont bu ton sang avec mes flammes.

 

Le monde a violé le pacte et le serment.

Les fanes ont surpris les feuilles des ramures.

J’ai beau troubler la sente et couper le sarment,

 

Tout parle de silence au fond de la clôture.

À l’ombre des remparts tout parle de tourment

Et je meurs sans avoir terminé l’aventure.

 

Ô Rampela, contemple au-delà de la ligne :

Ton visage me manque et le monde se voile.

La boue a traversé jusqu’au front des étoiles.

 

Ma Bien-aimée, entends la voix d’outre-rempart :

Mon cœur fond en sanglots et, depuis ton départ,

La vie est devenue un ennui rectiligne.

 

Et je reviens tout seul, tout seul au fond des bois,

Afin de recueillir un souvenir de toi,

De nouveau respirer un peu de ton parfum.

 

Mais la route est si noire et le soir est si brun !

Notre bonheur n’est plus qu’un songe d’autrefois

Qui flotte tristement au seuil des jours défunts...

 

Jacques Rabemananjara ("Sur les marches du soir" éditions Ophrys, Gap - 1940 )

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