Conte: Les trois femmes d’Andriamihanina - Charles RENEL

Les trois femmes d’Andriamihanina

Fabliau Betsimisaraka

Recueilli à Fampotabé (province de Vohemar)

Andriamihanina, partant pour un voyage de trafic, dit à ses trois femmes : « Quand je serai parti, vous tuerez des bœufs. Vous en donnerez au soleil, à la lune, aux étoiles, aux « donnez et reprenez », aux « laissez passer l’eau » ; ensuite vous laisserez moisir le reste. »

Il partit et ses trois femmes tuèrent des bœufs.

Puis voici ce que fit la première femme : elle attendit le lever du soleil et lui donna sa part; le soir, elle donna de même leur part à la lune et aux étoiles ; elle donna aussi des parts à certaines personnes, puis les leur réclama; elle jeta des parts dans la rivière pour être emportées par le courant; enfin elle laissa putréfier ce qui restait.

La seconde femme fit comme la première.

Voici, au contraire, ce que fit la troisième femme : elle se dit que le soleil et la lune étaient le père et la mère d'Andriamihanina, les étoiles ses frères et ses sœurs; à tous elle donna leur part. Elle pensa que les « donnez et reprenez » étaient les riches qui, en échange d'une part, donneraient de l’argent; quant aux « laissez passer l’eau, » elle considéra que c’était la part des pauvres; enfin elle fit boucaner ce qui restait pour attendre le retour de son mari.

Quand l'homme revint, il demanda à la première femme : « Est-ce que tu as donné de la viande au soleil, à la lune et aux étoiles ?

- Oui

- Et aux « donnez et réclamez », et aux « laissez passer l’eau »?

-— Oui.

- Et tu as laissé moisir le reste ?

- Oui. »

Alors l’homme s’en alla demander à ses parents et aux gens du village, si sa première femme avait donné à chacun sa part.

 « Non, mon enfant, lui dit sa mère, elle ne nous a rien donné ; elle a distribué la chair des bœufs au soleil, à la lune, aux étoiles, à l’eau, et elle a laissé perdre le reste. Ta dernière femme seule nous a donné notre part : c’est une excellente épouse. »

Andriamihanina divorça d’avec ses deux premières femmes et ne garda que la troisième.

Contes de Madagascar

Charles RENEL (1866 – 1925)

Librairie Ernest LEROUX

PARIS