Conte: Origine du clan des Anjeka - R. Decary

Publié le par Alain GYRE

 

Origine du clan des Anjeka (1)

(Antandroy)

 

Des divers groupes de la région d'Ambovombé, le clan des Anjeka a une histoire particulière.

Un Zafimanara nommé Faneta était un jour à la pêche (2). Tout à coup, il sentit une forte secousse après la ligne ; il se mit à tirer tout doucement, amenant le fil par petits bouts, car il croyait avoir pris un gros poisson. Mais voilà qu'à sa grande frayeur, il sort de l'eau une femme. Il lâche tout et veut s'enfuir, mais la femme lui crie : « Rassure toi ; je viens me marier avec toi, mais jamais tu ne regarderas ce que j'ai sous le bras ». Faneta promit, la prit pour femme et eut d'elle un garçon et une fille.

Quand ces enfants furent un peu grands, Faneta ne put résister à la tentation, et profita du sommeil de Ramira pour regarder sous ses aisselles.

Celle-ci s'en aperçut, mais ne dit rien, et le lendemain, proposa une baignade. L'homme se mit à l'eau pendant que la femme gardait les enfants, puis ce fut son tour. Ramira dit à Faneta : « Tu as enfreint ma défense, je te quitte pour jamais ».

Elle disparut. Devenus grands, ses deux enfants se marièrent ensemble et créèrent la souche d'Anjeka (3-4).

 

Notes

(1) Le clan des Anjeka est en réalité d'origine Sakalava. Ils se sont divisés en deux groupes. L'un s'établit dans la région d'Andrahomana et fondales villages d'Analapatsy, Manahona et Maroako ; l'autre, trouvant vers le nord des pâturages favorables, donna naissance aux Anjeka-Nord

 

(2) Il est à remarquer que l'Antandroy n'est pas pêcheur ; la mer n'est pas pour lui un réservoir alimentaire de grande importance, et l'on peut remarquer à ce sujet l'importance décroissante que prend la mer chez les populations littorales entre Fort-Dauphin et le Menarandra. Dans cette dernière région où la côte est inhospitalière, on n'a que la ressource de la pêche à marée basse sur la plate-forme côtière.

 

(3) Cette légende est ici rapportée telle que je l'ai trouvée dans les archives manuscrites du poste d'Ambovombé, où elle a été consignée autrefois par Decorse. En voici une autre version donnée par Defoort, sous le titre « La légende de l'Olondrano ».

Vorokontsy, le grand ancêtre des Antanjeka, eut un fils, Firanitra, qui s'en fut un jour au bord de la mer. Soudain, à la surface de l'eau, apparut une tête de femme blanche comme du lait, à la chevelure opulente et noire, aux yeux bleus comme l'onde elle-même. Firanitra était un beau gars ; il n'eut pas peur. La femme s'offrit à lui en lui demandant simplement de ne jamais la regarder sous le bras, où elle avait une sorte de bouche, disent les uns, quand elle serait nue, disent les autres. Firanitra promit et s'en revint au foyer avec la femme blanche, dont il eut un fils, Filahory, et une fille, Ramira. A quelque temps de là, la femme de Firanitra l'amena avec ses enfants au bord de la mer. La femme dit : « Je sens que je vais disparaitre bientôt ; marions nos enfants ». Firanitra se récria au nom de la fomba (coutume) de sa tribu. L'Olondrano (être de l'eau) insista et déclara que Zanahary exigeait cette union, dont le fâdy serait lavé par le sacrifice de deux sarcelles. Ramira et Filahory s'unirent, et d'eux sortirent les Mokofo (petite tribu encore dépendante des Antanejeka). L'Olondrana leur dit adieu ainsi qu'à Firanitra, et, s'approchant de l'eau, elle se dévêtit. Elle apparut ainsi aux yeux éblouis de Firanitra qui oublia sa promesse et « regarda » sa femme. Celle-ci poussa un grand cri et disparut dans l'onde amère. Depuis ce temps, chaque fois qu'un événement malheureux doit survenir aux Antanjeka, en particulier quand va mourir un « grand » de la tribu, l'Olondrano pleure et rugit.

 

(4) La foi dans l'existence des Olondrano ou des femmes marines, tire sans doute son origine de la fréquence des Dugongs dans les eaux littorales. Ces Siréniens ont une taille moyenne de trois mètres ; la femelle est un peu plus petite, et ses mamelles rappellent des seins féminins. Certains pêcheurs de dugongs, notamment aux Comores, pratiquent parfois des unions sexuelles avec les femelles qu'ils ont capturées.

Contes et légendes du Sud-ouest de Madagascar

Raymond DECARY

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