Conte: Pourquoi les Vezo ne mangent pas la caille - Raymond DECARY

Publié le par Alain GYRE

Pourquoi les Vezo ne mangent pas la caille (1-2)

Conte Vezo, recueilli à Manombo

 

Autrefois, il y avait un vieil homme qui cherchait du bois à brûler.

Il s'était rencontré avec des brigands. Ceux-ci l'emmenèrent pour le faire esclave.

En route, et en passant dans une forêt, une caille chantait : « Bo ! bo ! bo ! bo ! ».

En entendant cela, les brigands croyaient que c'étaient des personnes qui suivaient le vieil homme avec des cors (3).

Les brigands effrayés s'enfuyaient et laissaient l'homme.

Ce dernier courait à toutes jambes pour rejoindre son village. Arrivé dans la maison, il rassembla toute sa famille. Il leur raconta tout ce qui lui arrivait.

Enfin il dit : « Maudit soit celui qui, parmi mes enfants et mes descendants, qui mange ou tue la caille ! Elle a sauvé ma vie. Si un de vous ou un de mes descendants voit une personne qui porte une caille, qu'il l'achète pour l'enterrer si elle est morte, et la lâcher si elle est vivante ».

Jusqu'à maintenant, beaucoup de Vezo ne mangent et ne tuent pas la caille en respect de cette malédiction (4).

 

NOTES

(1) Ce conte est le frère jumeau du précédent.

(2) Chez la caille, Coturnix madagascariensis ou kibo, les mâles, contraire- ment à ce qui existe chez la plupart des oiseaux, ont des couleurs plus ternes et moins vives que les femelles. Les premiers ont le dos d'un brun foncé, et les femelles sont rousses, chinées de brun foncé.

(3) Le véritable cor n'existe pas à Madagascar comme instrument de musique. Il s’agit, en tout cas, d'un aérophone, soit la conque, antsiva ou bakora, soit peut- être la trompe crochue, qui semble cependant d'introduction plus récente.

(4) A. Grandidier donne, de ce fâly, la version suivante qu'il a recueillie chez les Antandroy et les Mahafaly : « Deux jeunes femmes étaient allées puiser de l'eau loin de leurs habitations. Deux jirika (voleurs de bétail et d 'enfants) qui étaient cachés auprès de la source, se précipitèrent sur les deux Mahafaly, dont les cris ne pouvaient être entendus du village, et les emmenèrent captives. A quelques distance de là, il leur fallut traverser un petit bouquet de bois ; deux cailles, en s'envolant presque sous leurs pieds, firent grand bruit, et les jirika, effrayés, croyant à une surprise, lâchèrent leur proie et cherchèrent leur salut dans la fuite. A cette heureuse nouvelle, le chef de famille rendit grâces à Dieu, à la patrie et aux ancêtres, et fit solennellement le vœu que lui, ses enfants et petits-enfants, nés et à naître respecteraient dorénavant l'oiseau auquel leurs parents avaient dû la vie »..

 

Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar

Raymond DECARY

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