Conte: Ranalahy et Ranavavy

Publié le par Alain GYRE

 

Ranalahy et Ranavavy

Fabliau Betsimisaraka

Recueilli à Vatomandry {province des Betsimisaraka-du-Sud).

 

Ranalahy et Ranavavy étaient mari et femme, et avaient beaucoup d’enfants. Un jour qu’ils n’avaient rien à leur donner à manger, ils partirent chercher de la nourriture dans la forêt.

Dans leurs recherches, peu à peu, ils se séparèrent. Or, voici que Ranavavy trouva du miel, elle appela son mari, mais Ranalahy lui dit ;

« Tu crois que c’est là du miel, mais c’est du miel amer d’aloès. Tu mourras si tu le prends. »

Ranavavy se mit de nouveau en quête. Et quand elle se fut éloignée, l’autre mit une marque pour retrouver l'endroit où était le miel. Or voici que Ranavavy trouva un pied de patates, elle appela son mari, mais Ranalahy lui dit :

« Tu crois que ce sont là des patates, mais ce sont des diavolanantany [espèce de patates non comestibles], Tu mourras, si tu les prends. »

 Ranavavy le crut encore et, aussitôt qu'elle fut partie, lui mit un signe pour reconnaître le lieu où étaient les pommes de terre.

Or, voici que Ranavavy trouva des tandraka; il y en avait bien vingt; elle appela son mari, mais

Ranalahy lui dit :

« Tu crois que ce sont là des tandraka, mais ce sont des faniloala. Tu mourras si tu les prends. »

 Et quand ils se furent séparés, Ranalahy marqua l’emplacement de la demeure des Tandraka. Ranavavy chercha encore jusqu’à la tombée du jour, mais ne trouva plus rien. Elle se disait :

« J’ai vu du miel, et on m’a dit que c’était du miel d’aloès, j’ai vu des patates et on m’a dit que c’étaient des diavolanantany, j'ai vu des tandraka et on m’a dit que c'étaient des fanilo-ala. »

Et elle était triste et méfiante à la fois.

Quand l’œil du jour fut mort, elle appela Ranalahy et le pria de rapporter le miel et les patates et les tandraka. Mais il répondit qu’il avait peur de l’oiseau torotoroka. Elle lui demanda alors où ils se retrouveraient le lendemain matin pour chercher de la nourriture et il lui donna rendez-vous à une caverne de pierre, à la lisière de la forêt.

Ranavavy arriva bien avant l’heure convenue et se cacha derrière les arbres; elle vit alors Ranalahy qui était allé chercher le miel et le mettait dans la caverne; il revint encore avec les patates, puis avec les tandraka (il y avait 22 tandraka); ensuite il coupa avec son couteau des bouses de vache sèches et s’apprêta à y mettre le feu pour cuire la nourriture et la manger tout seul. A ce moment Ranavavy, imitant le cri de l’oiseau Torotoroka, se mit àfaire :

« Atoroko, Atoroko! Atoroko, ô atoroko! ( 1 ) »

Ranalahy regarda de tous côtés et ne vit rien; alors il eut très grand peur, et, pour calmer l’oiseau, il porta le miel dans la forêt, près de l’endroit d’où était parti le cri.

Ranavavy cria de nouveau, et il porta les patates.

Elle cria une troisième fois, et il porta les tandraka.

Elle cria encore une quatrième fois, et Ranalahy, qui tenait à la main son couteau avec les bouses de vache sèches, laissa tout tomber et s’enfuit.

Elle le poursuivit en criant toujours :

« Atoroko, atoroko! »

Et elle ne cessa que lorsqu’elle le vit tomber à terre à demi-mort de peur. Alors elle s’approcha de lui et lui fit honte de ses tromperies. 11 promit de ne jamais recommencer jusqu’à la lin de sa vie, et ils portèrent dans leur maison le miel, les patates et les tandrakas. 

 

(1) Calembour : c'est l’onomatopée du cri de l'oiseau, et en même temps atoroko signifie : dénoncé par moi.

 

Contes de Madagascar

Charles RENEL

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