Conte: Ravoalavo et Rapiso

Publié le par Alain GYRE

 

Ravoalavo et Rapiso

Fable Bara

Recueillie à Befandriana (province de Tulear).

 

« Allons nous amuser, dit un jour le rat au chat. »

 « Et où cela? »

« Sur le tanety, dans l’herbe. » —

« Et à quoi jouerons-nous? » —

« On se fourrera l’un après l’autre au milieu de l’herbe sèche, et on y mettra le feu. »

Les deux amis partirent et trouvèrent un endroit où l'herbe était haute et abondante. Sa sécheresse était telle, qu’une fois le feu mis, elle devait flamber de suite.

Ravoalavo s’y fourra le premier, car c’était lui qui avait inventé le jeu.

Rapiso défit son sac, y plongea la patte, en sortit la pierre à feu, le morceau de fer et la petite courge (contenant les chiffons), après quoi il demanda au compère :

« Mettrai-je le feu maintenant?»

« Non, attends un peu. »

Puis, au bout de quelques instants :

« Allumerai-je la bozaka ?»

« Ne te presse pas. Donne-moi  le temps de respirer un bon coup, pour faire provision d’air. »

En même temps l'animal rusé se cachait au fond d'un petit terrier, qu’il avait découvert dans l'herbe.

Le chat mit le feu. Les flammes pétillaient et montaient très haut. En voyant le brasier, Rapiso pensait:

« Le malheureux va mourir; quand il sera rôti, j’en ferai un excellent repas. »

Bientôt le feu diminua, puis s'éteignit. Le chat fouilla les cendres, il avait hâte de croquer son camarade, mais il ne trouva rien. Las de chercher, il s’écria :

« Sors, Ravoalavo, je renonce à te découvrir. »

Rakelibehevitra (le Petit-à - la - grande-intelligence) sortit alors tout guilleret, à la profonde stupéfaction de son compère.

« A ton tour, maintenant, dit-il. Cherchons un endroit où l’herbe soit assez abondante, pour que tu puisses t’y cacher facilement. »

Ils partirent et rencontrèrent bientôt un endroit favorable. Rapiso disparut dans l’herbe, tandis que Ravaolavo préparait son briquet.

« Faut-il mettre le feu maintenant ?»

« Attends un peu que je me mette en boule ?»

« Je vais donc faire flamber. »

« Patience, l'Ami-aux-mauvaises-dents! Je réfléchis à ce que je dirai à mes parents, quand tu auras fini de me brûler. »

Alors le rat mit le feu; on entendit des pétillements et des grésillements, parce que la graisse du chat fondait, et une bonne odeur de chair rôtie se répandit aux alentours.

Quand le feu s’éteignit, le chat, tout rouge, était grillé à point. Ravoalavo se réjouit, d’abord parce qu’il allait faire un excelent repas. 11 emporta la viande savoureuse à la case, pour que les siens en eussent leur part.

Chemin faisant, il rencontra deux passants, [deux parents du chat], Karaka et Rafangatadava (i). La conversation s’engagea.

« D’où viens-tu, Ravoalavo ?»

« Je viens d'une grande fête. »

« Est-ce qu’on a tué beaucoup de bœufs? »

«Certes oui. Voici la part d’une seule personne. »

« Donnes-en un petit peu, que nous y goûtions aussi. »

Le rat fit halte, coupa un bon morceau de viande et le leur présenta.

« Mais cette viande est exquise, dirent- ils, après avoir mangé.

« Exquise, puisque c'est la chair de votre parent.»

« Qu’est-ce que tu dis? » 

« Je dis qu’il y a beaucoup de monde à la fête là-bas. »

Et il poursuivit son chemin.

Peu après, il rencontra Rasaka ( 2 ) qui lui demanda :

« D’où viens-tu, Ravoalavo ?»

« D'une fête. »

« Est-ce qu’on y distribue beaucoup de viande ?»

« Certainement oui. »

« Partage ta part avec moi. »

Le rat donna une portion de viande à Rasaka.

« Elle est excellente », s’écria celui-ci.  

« Certes oui, car c’est la chair de ton parent. »

« Qu’est-ce que tu dis? »

« Rien, je dis qu’il y a beaucoup de gens à la fête, là-bas. »

 « Tu t'imagines que je suis sourd! Ah! vraiment! Tu m’as donné à manger la chair de mon parent! La fin de ta vie est venue! »

Là-dessus, dit-on, le chat se jeta sur le rat.

Depuis ce temps, dit-on, chats et rats sont ennemis.

A

Pour moi, je laisse la parole à un autre, car je suis fatigué.

 

(1) Autres noms donnés au chat.

(2) Autre nom du chat.

Contes de Madagascar

Charles RENEL

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