Conte: Ravoay et Rafanahy - Raymond DECARY

Publié le par Alain GYRE

Ravoay et Rafanahy (1)

Conte :Bara, recueilli à Ankiliabo

 

La chauve-souris demanda un jour au caïman :

« Pourquoi ponds-tu ? (2). Tu as des mains, des trous d'oreilles ».

Les Bara classifient les animaux en deux catégories : ceux qui ont des pavillons d'oreilles, qui sont vivipares ; ceux qui n'en ont pas, qui sont ovipares (3).

« Je ponds ; le Créateur m'a fait ainsi ».

Ravoay demanda : « Pourquoi accouches-tu d'un petit ? Tu as des pavillons d'oreilles ? Tu as été mal fait.

- C'est toi qui as été mal fait ».

Ils portèrent leur différend au Créateur.

« Dis-nous pourquoi le caïman pond-il des oeufs ?

- Je l'ai fait tel, je t'ai fait avec des pavillons d'oreilles, et pourquoi accouches-tu d'un petit ? ».

La chauve-souris furieuse répondit : « Tu m'as mal créé, je ne te verrai plus ».

A partir de ce jour, la chauve-souris se suspend la tête en bas pour ne pas voir le Créateur (4).

Celui-ci, pour la punir, a fait de sa bouche pour manger, et du contraire (5).

 

Notes :

(1) Le caïman (crocodile) et la chauve-souris.

(2) C'est au mois d'octobre que la femelle du voay pond ses œufs. Elle choisit un banc de sable ensoleillé et le creuse d'un trou qui peut atteindre près d'un mètre de profondeur. La ponte moyenne est d'une vingtaine d'œufs ; parfois elle approche la trentaine. Les œufs, blanc, sont longs de 6 à 7 centimètres. Recouverts de sable, ils éclosent à la seule chaleur solaire au bout de 20 à 25 jours. Lors de la naissance, le jeune animal possède une taille d'environ 12 centimètres et ressemble à un petit lézard.

(3) Dans ces termes empruntés aux sciences naturelles, on reconnait l'influence scolaire.

(4) Il s'agit de la grande chauve-souris, appelée aussi Roussette Ptefopus rufus ou fanihy. Elle est répandue partout dans la grande île, avec une abondance parti- culière dans la région occidentale. A l'inverse des petites espèces, ces grandes chauves- souris n'habitent pas les grottes ou les trous de rochers, mais le jour, elles restent accrochées aux branches des arbres, immobiles et suspendues par les pattes ; elles ressemblent à de gros fruits qui pendraient aux branches, formant des colonies qui atteignent parfois des milliers d'individus. C'est dans les îlots des lacs côtiers qu'elles trouvent leurs retraites préférées, où elles ne sont pas dérangées ; ou encore dans les peuplements de palétuviers inaccessibles aux hommes en raison des épaisseurs de vase dans lesquelles croîssent ces arbres. Les indigènes les mangent volontiers et les capturent au moyen de grands filets accrochés verticalement au sommet des grands arbres. Quand les fanihy s'y sont accrochées au passage, lors de leur départ au crépuscule pour chercher leur nourriture, les filets sont brusquement rabattus et les Cheiroptères se trouvent emprisonnés. La chair de la fanihy qui est un animal frugivore, est délicate et agréable ; elle rappelle celle du lapin.

(5) On devine l'allusion, bien qu'elle soit voilée et peu claire. La fanihy étant suspendue la tête en bas, le tube digestif, avec ses deux extrémités, se trouve en quelque sorte inversé.

 

 

Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar

Raymond DECARY

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