Conte: Soavololonapanga - Raymond DECARY

Publié le par Alain GYRE

Soavololonapanga

Conte Bara, recueilli à Ranohira)

Il y avait, dit-on, un roi qui s'appelait Razatovo (1) et qui épousait une très jolie femme qui se nommait Soavololonapanga.

Quelque temps après leur union, un autre roi, ayant appris la réputation de la beauté de la femme qui, on peut le dire, était unique au monde, eut le désir de la prendre pour lui. Revato (le nom du 2e roi) envoya donc un homme de confiance pour dérober Soavololonapanga pour l'épouser.

L'envoyé est parti, mais arrivé près du village de Razatovo ,il n'a pas pu traverser le fleuve qui limitait les deux royaumes.

Revato envoya encore un autre homme qui retourna aussi pour la même cause.

Enfin un énorme oiseau nommé Vorombéfamaofao fut envoyé par Revato pour prendre la femme convoitée.

Arrivé près du village de Razatovo, l'oiseau (vit) Soavololonapanga puisant de l'eau à la fontaine. Il l'emporta comme un papango emporte un poussin (2) et la déposa dans la cour du palais de Revato qui était très content de voir son désir réalisé.

De son côté, Razatovo attendit longtemps sa femme.

Pendant la nuit suivante, il n'a pas pu dormir tellement il était désolé de sa disparition.

Enfin il a appris qu'un grand oiseau a emporté sa femme pour la donner à Revato, roi qui habite de l'autre côté du fleuve.

Razatovo fit ses préparatifs pour aller chercher sa femme. Il ramassa plusieurs cordes pour nouer ensemble pour faire une longue corde qui l'aidera à passer le fleuve.

En arrivant au bord du fleuve, voici ce qu'il a fait pour le traverser. Il attacha l'un des bouts de la corde au pied d'un grand arbre qui poussa au bord du fleuve et attacha l'autre bout à son corps. Ensuite il se jeta à la nage et comme il est attaché à l'arbre, le courant n'a pas pu l'emporter, il parvint à passer sain et sauf le fleuve.

Arrivé dans le royaume de Revato, Razatovo alla près de la fontaine du village pour attendre Soavololonapanga, car il avait l'intention de la prendre si par hasard elle venait puiser de l'eau à la fontaine.

En y arrivant, il monta sur un grand arbre qui est tout près de la fontaine, pour mieux voir ceux qui arriveront. En vain il attendit longtemps, Soavololonapanga ne vint pas encore. Revato ne voulait pas qu'elle aille elle-même puiser de l'eau, car il eut peur qu'on va dérober sa femme, comme il a fait lui-même. Il envoya une jeune fille de sa cour pour aller puiser de l'eau pour sa nouvelle femme. Arrivée à la fontaine, la jeune fille puisa de l'eau et remplit sa cruche. Quand la cruche fut pleine, elle se mira avec l'eau de la source. Elle vit la figure de Razatovo dans l'eau, qu'elle croyait que c'était la sienne. Elle se mira, en disant qu'avec cette belle figure, elle ne portera pas de cruche sur sa tête. Elle brisa sa cruche car, se dit-elle, les élégantes comme moi ne porteraient jamais une cruche sur leur tête.

En arrivant dans le village, elle est allée devant Revato pour lui dire que, comme le sentier qui conduit à la fontaine est glissant, la cruche est tombée et brisée.

Revato envoya encore une grosse femme stérile pour aller chercher de l'eau, mais celle-ci a fait comme la précédente en voyant l'ombre de Razatovo dans la source, qu'elle croyait être sa figure.

Enfin il envoya une vieille femme pour les remplacer. Arrivée à la fontaine, elle se mit à puiser de l'eau, mais quel est son étonnement en voyant une jeune figure qui brille dans l'eau de la source. Elle a compris qu'il y a une figure qui est sur l'arbre et qui se reflète dans l'eau, et que les jeunes filles ne connaissaient pas, et qui les a poussées à briser leur cruche. Elle se mit à regarder sur l'arbre et voyait Razatovo qui descend doucement de l'arbre.

Il demanda à la vieille femme pour qui elle vient puiser de l'eau à la fontaine. La vieille femme répondit que c'est pour la nouvelle femme du roi Revato.

Ensuite Razavoto tira ses cheveux, et sa peau se détacha d'une seule pièce. Il prit la peau de la vieille avec laquelle il s'enveloppa. Il prit ensuite le bâton et la cruche de la vieille femme et monta dans le village en guise (3) d'une vieille femme qui marche péniblement.

Arrivé devant le palais du roi, il demanda où doit-on mettre l'eau. Celui-ci ordonna de la mettre dans la maison de Soavololonapanga, qu'il montra avec son doigt (4). La fausse vieille femme demanda en outre de passer la nuit dans la maison de Soavololonapanga car elle a bien froid et bien fatiguée et ne peut plus retourner chez elle. Revato lui accorda cette faveur car il ne reconnaissait pas Razatovo déguisé en vieille femme.

Quand tout le monde dormait d'un sommeil paisible, Razatovo enleva la peau de la vieille femme qui couvrait son corps et alluma le feu pour se montrer à sa femme. Soavololonapanga fut surprise de voir Razatovo qu'elle croyait longtemps être une vieille femme. Au même instant, Razavoto prit sa femme pour retourner à son village.

Le lendemain, Revato fut désagréablement surpris de la disparition de sa femme et a compris trop tard que c'était une fausse vieille femme qui a passé la nuit chez Soavololonapanga. Comme Revato avait plusieurs femmes, il a passé la nuit chez les autres épouses (5) pendant qu'on lui a volé sa belle et nouvelle femme Soavololonapanga.

 

Notes :

(1) Le personnage légendaire de rappelé ici Razatovo, fait partie de tout un cycle très ancien, dont de nombreux éléments ont été recueillis par J. Faublée pour le pays Bara. On le retrouve aussi dans les récits des tribus de l'Est, du Sud-Est, ainsi que chez les Sakalava. Zatovo, dans tous les contes qui le concernent, se présente comme un adolescent d'une grande beauté, ayant toujours de nombreux succès féminins. Son nom est composé de za, préfixe respectueux correspondant au ra des Merina (le nom de Razatovo renferme donc un pléonasme), et de tovo signifiant jeune, ou en période de croissance. Chez les populations méridionales, le tovolahy est exactement le « jeune homme entreprenant ».

 (2) Le papango est un oiseau de l'ordre des Rapaces, Milvus migrans ou M. aegyptus, connu aussi en Afrique. Il est redouté pour son habileté à s'emparer des jeunes poussins dans les villages. Les Sakalava l'ont aussi baptisé tsimilaho, « celui qui ne demande pas », en raison de ses raids audacieux sur les volailles. Par contre, il se révèle utile par les importantes destructions qu'il fait de petits rongeurs. Dans l'Ouest, dès qu'un feu de brousse est allumé, on voit de nombreux papango arriver au-dessus de la région en feu, et tournoyer à grande hauteur, en surveillant la marche du feu ou plutôt la fuite des rongeurs devant les flammes.

(3) En imitant la vieille femme.

(4) En général, le Malgache ne désigne pas les objets en les montrant du doigt : un tel geste est fâdy, tabou. Le faute est particulièrement grave quand il s'agit de montrer un tombeau. On doit montrer avec le poing, la main fermée.

(5) La polygamie était autrefois d'usage courant, et les diverses femmes du même mari avaient chacune leur case particulière. Le nombre des épouses était limité par la richesse du mari. En Imerina, il ne dépassait pas en général deux ou trois. Dans les tribus pastorales, la polygamie était plus fréquente ; elle ne persiste plus guère que dans le Sud, tout en tendant beaucoup à diminuer ; le nombre des épouses était souvent plus nombreux que sur les Plateaux, et, vers 1920, le chef Antandroy Mahatampitsy avait sept femmes. Les noms sous lesquels sont désignées ces épouses changent suivant qu'il s'agit de la première ou des suivantes. Une femme unique est la valy ou vady ; lorsqu'il y en a deux, la première est la valy bé ou grande femme, la seconde, la valy masay ou valy kely, c'est-à-dire la petite femme. Trois épouses portent les noms respectifs de valy bé, valy aïvo ou femme du milieu, et valy masay. Le mari doit les traiter toutes, au point de vue des devoirs conjugaux, sur le pied de la plus stricte égalité. Dans le nouveau Code civil malgache, actuellement en préparation, la polygamie n'est plus reconnue.

 

Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar

Raymond DECARY

 

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