Conte: Tahozabiry et Zabirizaho - Raymond DECARY

Publié le par Alain GYRE

Tahozabiry et Zabirizaho

Conte Antanosy recueilli à Benenitra

 

Tahozabiry habitait au nord et Zabirizaho au sud.

Un jour, ils partirent tous deux de leur maison et se rencontrèrent en route.

Tahozabiry portait des écorces de pistaches enfermées dans un panier ; Zabirizaho avait également des écorces de bananes (1) enfermées dans une sobika (2).

Chacun demanda à l'autre :

« Qu'est-ce que tu portes ?

- C'est une corbeille de pistaches que je veux échanger contre des bananes mûres », dit Tahozabiry.

« Moi, dit Zabirizaho, ce sont des bananes que je veux échanger contre des pistaches.

- Marché conclu ! » S’écrièrent tous deux.

Puis ils firent l'échange et chacun s'en alla de son côté.

En arrivant dans sa maison, Tahozabiry ouvrit la sobika et ne vit que des écorces de bananes. Quant à Zabirizaho, lorsqu'il a versé les pistaches dans la marmite préalablement lavée, il ne voyait que des écorces également qui emplirent entièrement la soubique.

« Nous sommes aussi malins l'un que l'autre, se dirent-ils tous deux, et faisons le frère de sang ».

On conclut le serment du sang (3).

« Qu'est ce que nous allons faire, se dirent ils, pour pouvoir tromper les autres ? »

Tahozabiry dit :

« Nous allons inventer des divers remèdes et nous nous ferons ombiasa (4), et nous voyagerons partout pour guérir les malades par les divers remèdes que nous inventerons ».

Les deux camarades faisaient cela pour tromper les autres.

Ils continuèrent le chemin vers le nord et ont rencontré dans un village quelconque la fille du roi qui était gravement malade.

Le roi, voyant que les deux hommes portaient sur leur dos et de chaque côté des remèdes, décida de les prendre pour guérir sa fille.

Les deux malins soignaient cette fille par les remèdes qu'ils ont inventés eux-mêmes. Enfin la fille guérissait quand même (5) et le roi, content de son côté, a fini par donner onze bœufs comme cadeau et prix de peine aux deux ombiasa.

Puis le lendemain, ils partirent et rencontrèrent Zanahary (6) qu'ils prièrent de partager leurs bœufs.

Zanahary dit :

«Tahozabiry aura cinq bœufs, et vous, Zabirizaho, en aurez cinq ; le onzième m'appartiendra».

Ils ont refusé tous deux car chacun veut posséder six bœufs au lieu de cinq bœufs.

Le cas se répéta ainsi avec Ndrenabolisy, Ndrenakatsakatsy et Masinamieva (7) qui firent le partage des bœufs de ces deux compagnons pareillement (8) à ce qu'à fait Zanahary.

En vain les deux rencontrèrent en cours de route un lézard et une salamandre qu'ils prièrent également de partager leurs onze bœufs en parties égales. Dirent le lézard et la salamandre :

« Que chacun de vous tienne le bout de cette sagaie, et puis tirez justement en face de votre ventre, et celui qui aura la sagaie en aura six » (9).

Ils ont tiré et déployé chacun leur force personnelle. En vain. En tirant bout à bout la sagaie emmanchée, ils se donnèrent des coups de sagaie par le ventre et finirent par se tuer.

De leur côté, le lézard et la salamandre ont pris les onze bœufs et les tuèrent graduellement (10) pour leur servir de repas.

 

NOTES

 

(1) Ou plus justement des peaux de bananes.

(2) Les Malgaches, habiles vanniers, fabriquent des corbeilles et paniers de toutes dimensions, généralement sans anses. On en distingue plusieurs genres. Sobika est la grande corbeille, dont le nom malgache a été francisé en soubique ; haro na et helitra sont des corbeilles rondes de dimensions moyennes ; saronkelitra est un panier carré, en usage surtout chez les Betsimisaraka, etc.

(3) Le serment du sang ou fatidra a été mentionné dans la note 1 du conte «Origine du fatidra».

(4) Voir notes 4 et 5 du conte « Origine du soro ».

(5) On note, dans ce « quand même », une ironie qui est très probablement involontaire de la part de l'auteur du récit.

(6) Dieu.

(7) Divinités secondaires.

(8) C'est-à-dire avec la même répartition.

(9) Il faut donner à cette phrase le sens que le lézard et la salamandre tenaient fortement la sagaie par le manche et le kitro, alors que Tahozabiry et Zabirizaho la tiraient successivement par la lame qui se trouvait pointée vers leur corps ; si elle se détachait, elle devait forcément les frapper à la poitrine.

(10) Les uns après les autres.

Contes et légendes du Sud-Ouest de Madagascar

Raymond DECARY

 

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