Conte: Taureau-des-anciens-jours

Publié le par Alain GYRE

 

Taureau-des-anciens-jours

 

Il était une fois, à ce qu’on raconte, une femme qui désirait avoir une descendance. Elle fit cette prière :

- O toi, le Créateur, là-haut, je t’appelle : donne-moi une descendance, je te prie…

Après cette prière, elle fit un rêve :

- Tu auras une descendance, mais ce ne seront pas de nombreux enfants. Tu n’en auras qu’un, un seul. Mais ce seul enfant sera ta joie et ton bonheur.

- Oui, dit-elle.

Nous parlons d’un enfant de légende et nous savons tous que le temps, pour ces enfants, passe vite. Quelques temps après, la femme vit grossir son ventre… Elle enfanta. On l’appela Raringo. Un bel enfant, je vous dis. Il poussait bien. Devenu grand ; il remarqua une jolie fille et désira en faire sa femme.

Raringo s’en alla donc chez les parents de la demoiselle pour faire la demande en mariage.

- O vous, Père et Mère, donnez-moi Petite-Dernière en mariage car je l’aime de tout mon cœur.

- Tu aimes notre enfant ? Si tu es paresseux, tu ne l’auras certainement pas !

- Qu’est-ce que vous dites ? Moi, un paresseux ? Donnez-moi n’importe quel travail, vous autres, et vous verrez, il sera fait et bien fait.

- Ah bon ! dirent Père et Mère de Petite-Dernière. On va voir ça. Fais-nous donc une pirogue avec tes ongles…

Eh bien, notre gars se met au travail. Il creuse une pirogue, uniquement avec ses ongles. C’est faut…

- Va semer un plein grenier de riz.

Il sème un plein grenier de riz, tout seul.

- Ramasse tous les grains que tu as semés, tous !

Il les ramasse, mais il appelle tous les oiseaux qui battent des ailes dans le coin. Les moineaux, les grives, les merles et les pintades arrivent en foule et de leur bec ramassent les grains de riz. Ils les portent au grenier.  Oh ! Il y a bien quelques gourmands qui en mangent, mais il les chasse :

            - Allez-vous-en les gourmands, vous êtes en train de me faire perdre la femme que j’aime.

Les gourmands s’en vont et le grenier est plein.

            - Voilà, c’est fait !

            - Bon, tu vas nous faire ne corde avec tes cheveux, dirent les père-et-mère…

Il s’arrache les cheveux et en fit une corde bien moulée.

            - Voilà votre corde… !

            - Ah… ! Eh bien… ! Non, notre enfant, nous te le donnerons pas… Espèce de bon à rien ! Pour nous, tu n’existes pas ! Vrai ! Et nous te donnerons notre merveille de fille comme épouse ?

Çà non !

            - Je vous en supplie, vous autres… Tout le travail que vous m’avez donné à faire, je l’ai fait. C’est une trahison ! Je n’accepterai jamais ça !

            - C’est ton affaire, pas la nôtre ! On s’en moque pas mal que tu acceptes ou que tu n’acceptes pas !

- Ecoutez bien, dit-il solennellement, écoutez bien père-et-mère de Petite-Dernière :

            Creuser une pirogue avec les ongles

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait !

            Semer un plein grenier de riz

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait !

            Ramasser les grains de riz d’un plein grenier

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait !

Faire une corde avec ses cheveux

Personne, jamais, ne l’avait fait…

Raringo l’a fait !

Raringo a fait tout ça, dit-il…Et vous ne lui donnerez pas votre demoiselle ?

            - Tu ne l’auras pas !

            Raringo s’en va…Raringo s’en va chez une vieille grand-mère, vieille comme on n’en voit pas. Une vieille sacrément vieille. Ses deux yeux étaient si pleins de chassie qu’elle ne pouvait les ouvrir. Et avec ça, une mâchoire édentée du  haut en bas. Il frappe à la porte de la vieille : Pan-pan-pan. La vieille grand-mère ouvre sa porte.

            - Entrez, entrez !

Le garçon entre.

- Bonjour, sois le bienvenu… Peux-tu m’enlever la chassie de mes yeux ? Enlève-la.

Raringo prend un morceau de bois : et je tape… la chassie commence à bouger, tombe en morceaux, disparaît. Les yeux sont libérés et peuvent s’ouvrir. Elle fait les salutations d’usage… c’est fait. Puis elle dit :

            - Qu’est-ce qui t’amène ici ?

            -Et bien… !

Le gars va pour répondre mais… C’est trop rapide d’entrer dans le vif sujet tout de suite, il reprend les salutations :

            - Et comme ça grand-mère, ça va bien ?-

            - Ça va très bien mon gars ! Je te remercie, que Dieu te garde.

Et alors, qu’est-ce qui t’amène ?

            - Et bien, voilà… J’ai envie d’aller chercher Taureau-des-Anciens-Jours… On m’a dit que tu savais comment je pourrais l’amadouer et le ramener avec moi, grand-mère aux cheveux blancs.

            - Et bien, mon gars… !

            - Oui, je veux aller le chercher, grand-mère, pour qu’il dévore tous les gens d’un même village.

            - Et pourquoi veux-tu faire dévorer tout ce monde ?

            - Ah ! Ils m’ont trompé, trahi… lui dit-il.

            - Ils t’ont trahi ! Explique-moi un peu ça…

            - Ils ont trahi ma confiance, ces gens-là, grand-mère ! Je voulais épouser leur fille et je l’ai demandée en mariage. Alors ils ont dit :

            - Si tu es un paresseux, tu peux en être sûr, tu nr l’auras pas…

            - Ah oui ! alors !

            - Alors ils m’ont fait faire tout un tas de choses. Et je les ai faites toutes. Ils m’ont ordonné de faire une pirogue avec mes ongles… Je l’ai faite. Ils m’ont fait semer du riz, un plein grenier… Personne n’avait jamais fait ça… Je l’ai fait. Ils m’ont fait ramasser tout ce riz… Je l’ai fait. Ils m’ont fait faire une corde avec mes cheveux, rien que mes cheveux, je les ai arrachés et j’en ai fait une corde. Tout ça, je l’ai fait. Ils ne n’ont pas donné leur fille. Voilà ce qui me met en colère !

            - Et bien, mon gars, parole de vieille aux cheveux blancs, tu as raison ; et si tu as raison, parole de vieille aux cheveux blancs, voilà ce que tu vas faire :

            Prends un seau avec toi, mets-y de l’eau, après tu prends aussi un flûte de roseau…Tu sais, c’est une affaire d’aller chercher Taureau-des-Anciens-Jours. Vous allez vous battre, vous deux. Si tu es battu, il te dévore, tu es mort. Mais si c’est toi qui le bats, c’est toi qui le manges (il t’obéira)…

            - Eh bien ! dit-il.

            - Le seau, tu le remplis d’eau, tu l’emportes et tu vas à la bataille… Tu tourneras le seau vers l’est et tu l’inclineras vers le côté d’où vient le vent. Quand le vent agitera l’eau, alors tu peux te battre. N’aie pas peur, ne tremble pas. Le monstre te dira : « faisons un concours à qui pissera le plus et le plus longtemps ». alors fais attention car, si tu t’arrêtes avant lui, alors tu es battu, il te dévore. Mais rempli ton seau et pisse dedans : il sera plein et c’est lui qui sera battu. Alors cil te dira : « faisons un concours à qui pètera le plus fort et le plus longtemps ». fais attention : si tu pètes une fois, deux fois, trois fois et que lui il continue, tu es battu : il te dévore (Mais toi, tu poses le seau rempli contre le vent et ça fera vong… Il sera battu). Alors il te dira : « faisons un concours à qui mugira le plus longtemps ». fais attention, ta voix n’y suffira pas, tu seras battu, et il te dévorera. Mais prends ta flûte de roseau et souffle tant que tu peux : il sera battu. Fais bien attention, car il est costaud ce Taureau-des-Anciens-Jours. Sois un homme Raringo, te laisse pas faire, tu peux le vaincre, alors vas-y.

            -J’y vais !

            - Encore une chose, dit la vieille, la bête ne connaît pas mes mots d’aujourd’hui, mais seulement les mots d’autrefois.

            - Bon, merci, dit Raringo, je sais tout ce qu’il faut maintenant.

            Raringo prit le chemin de la forêt et des savanes. Il marche longtemps, des heures et des heures, des jours entiers. Trois nuits de suite, il dut dormir sur le chemin. Enfin il arrive au pays de Taureau-des-Jours-Anciens. La terre tremblait sous un galop monstrueux, Raringo s’avança sans trop trembler.

            - Ça pue l’homme par ici, se disait la bête. Ça pue l’homme en vérité ; ça pue…

            Et il aperçut Raringo...

            - Qu’est-ce que tu viens faire par ici ?

            - Ce que je viens faire ? C’est simple, je viens te chercher pour te donner un festin, Taureau-des-Anciens-Jours. Tu pourras dévorer tout un village.

            - Quoi ? Tu viens m’inviter à dévorer tous les gens de ton village ?

            - Exactement ça !

            - Bon ! Mais on ne vient pas me chercher comme ça ! On va d’abord se battre tous les deux pour savoir qui est le plus fort.

            - On va battre ? Comment ça ?

            En premier, on va battre à qui mugira le plus longtemps…

Taureau-des-Anciens-Jours, tendit le coup et se mit à mugir longuement tandis que Raringo soufflait dans sa flûte. Chacun, à perdre haleine, poussa un cri… La flûte sonnait toujours alors bête essoufflée s’était arrêtée. Taureau-des-Anciens-Jours est battu, bien battu…

            Bon ! d’accord ! Faisons un concours à qui fera des pets le plus longtemps.

Raringo tourna son seau vers l’est, vers vent, et la bouche du seau se mit à chanter vong… Taureau-des-Anciens-Jours fit trois pets formidables, paraît-il, alors que Raringo fit sonner les siens dix fois plus…

            - Vraiment, tu es un sacré bonhomme toi, je suis encore battu !

Bon, faisons un concours à qui pisera le plus.

            Raringo remplit son seau, presque plein, dit-on… Taureau-des-Anciens-Jours avait déjà fini que lui continuait à remplir son seau.

- Sacrebleu ! Quel bonhomme ! Tu m’as encore battu ! Bon, monte sur mon dos !

Ils partirent tous les deux vers le village. Ils étaient encore loin que tout le monde fut en émoi… ils se mettent à crier :

            - Ah toi, Raringo, quelle bête tu nous amènes par ici ?

            - Une bête qui va tous vous dévorer d’un coup !

            - Pourquoi fais-tu ça ?

            - Vous avez trahi votre parole et vous m’avez trahi !

            Ils se mirent à trembler de peur… Mais la mère de Petite-Dernière implora le pardon pour eux et le village. Monta une complainte :

«  O Raringo, oh !...

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours chez lui

Ramène-le.

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le, O Raringo

La femme que tu aimes

Prends-la aujourd’hui,

Prends-la demain…

Ramène chez lui Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le ».

Mais Raringo répondit par semblable complainte :

            « Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas chez lui, non !

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas.

Creuser une pirogue avec ses ongles

Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Semer un plein grenier de riz

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Ramasser les grains de riz d’un plein grenier

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Faire une corde avec ses cheveux

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Je ne ramènerai pas chez lui

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas »

Et Raringo insista durement :

            - Je ne le ramènerai pas chez lui, ni sous les menaces des pierres, ni sous la menace des lances. Je ne le ramènerai pas.

Alors la mère de Petite-Dernière dit à son mari :

            - Vas-y, père de Petite-Dernière, essaye de le fléchir, peut-être t’écoutera-t-il par respect pour toi…

Père de Petite-Dernière se leva et se mit à chanter de sa grosse voix :

            «  O Raringo, oh !...

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours chez lui

Ramène-le.

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le, ô Raringo…

La femme que tu aimes

Prends-la aujourd’hui, prends-la demain…

Ramène chez lui Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le ».

Mais Raringo reprit sa complainte :

            « Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas chez lui, non !

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas.

Creuser une pirogue avec ses ongles

Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Semer un plein grenier de riz

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Ramasser les grains de riz d’un plein grenier

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Faire une corde avec ses cheveux

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Je ne ramènerai pas chez lui

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas ».

            - Ah ! C’est la fin, on est tous morts, dirent les gens du village. Il ne veut pas ramener Taureau-des-Anciens-Jours chez lui. Vas-y, toi, Petite-Dernière, chante la complainte.

Petite-Dernière chante d’une jolie voix :

            «  O Raringo, oh !...

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours chez lui

Ramène-le.

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le, ô Raringo

La femme que tu aimes

Prends-la aujourd’hui, prends-la demain…

Ramène chez lui Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le ».

La réponse de Raringo ne changea pas :

            « Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas chez lui, non !

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas.

Creuser une pirogue avec ses ongles

Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Semer un plein grenier de riz

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Ramasser les grains de riz d’un plein grenier

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Faire une corde avec ses cheveux

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Je ne ramènerai pas chez lui

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas».

            - Va vite, toi, dit la mère de Petite-Dernière à sa propre mère, va vite, on est au bord de la mort… il ne veut pas le ramener chez lui ! Petite-Dernière a chanté la complainte du pardon… Ça n’a servi à rien !

            Tout le monde était mort de peur et pressait la vieille grand-mère.       

Et Raringo insista durement :

            - Je ne le ramènerai pas chez lui, ni sous les menaces des pierres, ni sous la menace des lances. Je ne le ramènerai pas.

Alors la mère de Petite-Dernière dit à son mari :

            - Vas-y, père de Petite-Dernière, essaye de le fléchir, peut-être t’écoutera-t-il par respect pour toi…

Père de Petite-Dernière se leva et se mit à chanter de sa grosse voix :

            «  O Raringo, oh !...

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours chez lui

Ramène-le.

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le, ô Raringo…

La femme que tu aimes

Prends-la aujourd’hui, prends-la demain…

Ramène chez lui Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le ».

Mais Raringo reprit sa complainte :

            « Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas chez lui, non !

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas.

Creuser une pirogue avec ses ongles

Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Semer un plein grenier de riz

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Ramasser les grains de riz d’un plein grenier

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Faire une corde avec ses cheveux

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Je ne ramènerai pas chez lui

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas ».

            - Ah ! C’est la fin, on est tous morts, dirent les gens du village. Il ne veut pas ramener Taureau-des-Anciens-Jours chez lui. Vas-y, toi, Petite-Dernière, chante la complainte.

Petite-Dernière chante d’une jolie voix :

            «  O Raringo, oh !...

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours chez lui

Ramène-le.

Ramène Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le, ô Raringo

La femme que tu aimes

Prends-la aujourd’hui, prends-la demain…

Ramène chez lui Taureau-des-Anciens-Jours

Ramène-le ».

La réponse de Raringo ne changea pas :

            « Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas chez lui, non !

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas.

Creuser une pirogue avec ses ongles

Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Semer un plein grenier de riz

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Ramasser les grains de riz d’un plein grenier

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Faire une corde avec ses cheveux

            Personne, jamais, ne l’avait fait…

            Raringo l’a fait

            Je ne ramènerai pas chez lui

            Taureau-des-Anciens-Jours

            Je ne le ramènerai pas».

            - Va vite, toi, dit la mère de Petite-Dernière à sa propre mère, va vite, on est au bord de la mort… il ne veut pas le ramener chez lui ! Petite-Dernière a chanté la complainte du pardon… Ça n’a servi à rien !

            Tout le monde était mort de peur et pressait la vieille grand-mère.       

     - Vas-y, grand-mère, va chanter !

            - Hum ! Vous y allez fort, vous ! J’ai déjà un pied dans la tombe et vous voulez me faire chanter la complainte du pardon ?

            Elle se leva quand même, la vieille aux cheveux blancs, elle força sa vieille carcasse et ses vieilles jambes :

            - Ho… hop… hop… hop, semblait-elle faire.

Elle arrive à la lisière du village, tout essoufflée. Elle chevrota :

            «  O… Ra-rin-go… oh o o o !...

Ra-mè-ne Tau-reau-des-an-ciens-jours chez lui i-i-i

Ra-mè-ne-le e e e !

Ra-mè-ne… Tau-reau…des-an-ciens-jours

Ra-mè-ne…le… o…Ra-ringo… !

La… fem-me… que… tu… ai-mes

Prends-la… au-jourd’hui… prends-la

De-main-ain-ain-ain

Ra-mè-ne… chez… lui-i-i-i

Ra-mè-ne…le-e-e ».

Raringo ne changea pas sa réponse mais singea la vieille en chevrotant comme elle :

« Tau-reau… des… an-ciens-jours-ours…

Je-ne-le… ra-mè-ne-rai-pas-a-a-a… chez-lui-i-i-i

Non-on-on-on…

Taureau-des-Anciens-Jours,

Je ne le ramènerai pas-a-a…

Et il chanta toute la complainte sur ce ton…

            - Fuyons, c’est la mort, il ne le ramène pas !

            - Allez, toi, Taureau-des-Anciens-Jours, dévore-les tous, ces menteurs, sauf Petite-Dernière, ne la mange pas !

Taureau-des-Anciens-Jours se jeta sur eux et les goba tous, comme un oiseau fait des mouches. Il avala tout, même les maisons du village. Mais il épargna Petite-Dernière.

- Monte sur mon dos, Petite-Dernière.

Elle monta (à côté de son soupirant) et la bête fonça jusqu’à son repaire. Arrivés là, Raringo et Petite-Dernière s’installèrent près d’elle… (Petite-Dernière ne faisait que pleurer).

- Qu’est-ce que tu as à pleurer comme ça ici ?

- Ah ! Tu me demandes ça, toi ? Mes père et mère, ma famille, mon village, ils sont morts, je ne les vois plus ! Comment ne pas pleurer ?

- Je peux les faire revenir… Oui… Mais tu n’auras plus de mari… ils ne voudront pas te laisser avec lui.

- Fais-les revenir… Tu verras quand ils seront revenus… Ils me laisseront suivre mon mari… ils auront trop peur pour refuser.

- Tu crois ça ?

La bête et les deux reviennent à l’endroit du village. Alors il fait ses crottes et de ces crottes naissent les hommes et les femmes et tout ce qui était là auparavant.

Petite-Dernière, la joie au cœur, peut voir ses père etb mère. Ils ne s’opposent plus au mariage de leur fille avec Raringo.

 

Voilà, cest fini, ce que je voulais raconter. Ce n’est pas moi qui dis des menteries mais les gens d’autrefois (qui ont raconté cette légende avant moi).

Moi, Denise RAZAFINDRAMANGA ; j’ai dit ce conte,. Je suis du canton d’Ambalarondro et je demeure à Andilamena, mes parents sont d’Antanambao et de Maromaniry.

 

 

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