Conte: Toison-sur-le-Sommet

Publié le par Alain GYRE

 

Toison-sur-le-Sommet

 

Autrefois, Grand-Monstre était une bête très forte, très robuste, et la plus rusée de toutes les bêtes de la terre. Les autres bêtes comme lui, et les oiseaux, avaient tous peur de lui.

            Un jour, Grand-Monstre a voulu éprouver sa force. Il est allé de pays en pays pour chercher celui qu’on appelle Toison-sur-le-Sommet. Il cherchait Toison-sur-le-Sommet, parce que, selon ce qu’il en avait entendu, c’était l’être le plus dur, le plus robuste, le plus fort, et en même temps le plus rusé. Et il voulait se battre avec lui.

            En chemin, il a rencontré le sanglier, et il lui a demandé :

- Mon ami, où est donc Toison-sur-le-Sommet ?

- Justement, Toison-sur-le-Sommet est en train de me poursuivre en ce moment. Continue un peu, tu vas le rencontrer.

            Grand-Monstre a continué son chemin. Arrivé un peu plus loin, il a rencontré le chien et lui a demandé :

- Mon cher, où est donc Toison-sur-le-Sommet ?

- Justement, mon cher, c’est lui qui vient avec moi. Continue un peu, tu vas le rencontrer.

            Et Grand-Monstre n’avait encore jamais vu de Toison-sur-le-sommet, depuis son premier jour. De même Toison-sur-le-Sommet n’avait encore jamais vu de Grand-Monstre.

            Grand-Monstre a marché, marché, et finalement ils se sont rencontrés. Grand-Monstre a dit :

- Où est-ce donc qu’on trouve Toison-sur-le-Sommet, mon cher ?

            Toison-sur-le-Sommet lui répondit :

- Qu’est-ce que tu lui veux ?

- Eh bien, l’ami, il paraît qu’il prétend être si robuste, si fort, et si malin ! Je voudrais me battre avec lui.

- Oh la la ! Toi, tu veux te battre avec lui, dit Toison-sur-le-Sommet ?

- Oui, répondit Grand-Monstre.

- Mon ami, prépare-toi bien ! Attends que je t’apprenne un peu leur façon de se battre.

            Et Toison-sur-le-Sommet est alléêtre si robuste, si fort, et si malin ! Je voudrais me battre avec lui.

- Oh la la ! Toi, tu veux te battre avec lui, dit Toison-sur-le-Sommet ?

- Oui, répondit Grand-Monstre.

- Mon ami, prépare-toi bien ! Attends que je t’apprenne un peu leur façon de se battre.

            Et Toison-sur-le-Sommet est allé chercher une grande quantité de fibres d’écorces.

- Bon, couche-toi, lui dit Toison-sur-le-Sommet.

            Le monstre s’est couché. Toison-sur-le-Sommet lui a attaché les deux pattes de derrière.

-Bon. Détache-toi maintenant.

            D’un seul effort, Grand-Monstre a rompu la corde.

- Ça, l’ami, c’était la première prise, et il en reste encore deux, parce que les Toison-sur-le-Sommet attaquent toujours de trois manières. Attention, voici la deuxième !

            Toison-sur-le-Sommet lui a ligoté les pattes de devant et de derrière, mais un peu lâche.

- Détache-toi !

            D’une simple secousse, Grand-Monstre a cassé toutes attaches de ses pattes de devant et de derrière.

- Oh ! Toi alors, mon ami, tu es vraiment fort ! Voilà maintenant la troisième prise et lanière, lui dit Toison-sur-le-Sommet. Si tu peux enlever ça, tu n’as plus rien à craindre. Couche-toi encore là.

- Voilà, fait Grand-Monstre en s’allongeant de tout son long.

            Toison-sur-le-Sommet lui a ligoté solidement les pattes de devant et de derrière, en les attachant ensemble.

- Détache-toi !

            Grand-Monstre s’est débattu, il s’est débattu, s’est débattu, il suait ! Rien à faire ! Il est là, fourbu, épuisé, haletant…

- Voilà justement, mon cher, la manière de se battre de Toison-sur-le-Sommet ! Et c’est moi ce Toison-sur-le-Sommet que tu cherches ! Alors, qu’est-ce que tu penses faire ?

            Grand-Monstre restait muet.

- Toi-là, je vais te tuer, toi qui te crois si dur ! toi qui te crois si fort !

            Et Toison-sur-le-Sommet lui a enfoncé plusieurs fois sa sagaie dans le corps. Grand-Monstre est mort.

            Au bout de quelques jours, une plante a poussé à l’endroit où Grand-Monstre avait été tué. Et cette plante, on n’en connaissait  pas le nom. Cette plante avait un tronc, elle avait des branches, elle avait des feuilles. Tous ceux qui passaient étaient étonnés de la voir pousser là. Ceux qui la voient se demandent :

- Oh ! quel  est son nom ?

- C’est la « bête-prise », elle a été  prise par Toison-sur-le-Sommet.

            Et c’est de là que vient le nom de l’arbre (kakazo), parce que c’était une « bête-prise » (kaka azo).

            Et Toison-sur-le-Sommet n’est autre que l’homme.

 

 

Fulgence FANONY

Le tambour de l’ogre

Littérature orale Malgache

tome 2

L’Harmattan 

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