Conte: Trimobé et Sohitika

Publié le par Alain GYRE

 

Trimobé et Sohitika

Conte Marofotsy

Recueilli à Andriamena {cercle de Maevatanana).

 

Trimobe alla, dit-on, arracher dans son champ les mauvaises herbes. Il avait des arbres de differentes espèces et particulièrement des orangers.

Or un jour Sohitika vint voler les oranges de Trimobe. Celui-ci se fâcha, courut après Sohitika, mais ne put l’atteindre. Le lendemain, nouveau vol : Trimobe poursuivit encore en vain le voleur; car, étant petit, Sohitika courait très vite. Comme les vols continuaient, Trimobe se cacha un jour dans les saonjo et put attraper son voleur.

« Je te mangerai, lui dit-il, toi qui voles toutes mes oranges.

- Je n'y puis rien ; fais de moi ce que tu voudras, puisque tu m’as pris. »

 Trimobe déterra alors une quantité de saonjo et les mit avec Sohitika dans une sobika, puis, après avoir cousu la sobika, il se mit en route avec l'intention de rentrer pour faire cuire dans la même marmite Sohitika et les saonjo.

Chemin faisant, Sohitika décousit la sobika et lit tomber un saonjo. Trimobe, au bruit, tourna la tète, vit que c’était un saonjo, et continua sa route. Sohitika jeta un autre saonjo: Trimobe cette fois ne tourna même pas la tête, se disant :

« Cela ne m'intéresse pas ; ce n'est pas Sohitika qui tombe. »

Plusieurs saonjo tombèrent encore et Trimobe ne se doutait pas que c'était Sohitika qui les jetait. Dès qu'on fut en vue du village, Sohitika à son tour se laissa tomber par terre en même temps que deux ou trois saonjo, et prit la fuite, sans que Trimobe s’en aperçût.

 Arrivé chez lui, Trimiobe dit à ses enfants et à sa femme qu'il avait attrapé Sohitika et qu’on allait le manger. 11 ouvrit la sobika, mais n'y trouva plus que des saonjo.

Le lendemain il se cacha dans les goyaviers et de nouveau il put se saisir de Sohitika.

«Cette fois-ci, je te mangerai, et tu ne trouveras plus le moyen de te sauver. «

Ce disant, il attacha solidement les pieds et les mains de Sohitika, le mit dans un sac et le porta chez

lui. Sa femme était seule à la maison.

« Voilà Sohitika bien pris; il est dans ce sac.»

La femme regarda dans le sac et y vit le prisonnier.

Trimobe dit encore à sa femme :« Va-t-en puiser de l’eau, moi je chercherai du bois à brûler, pour faire cuire Sohitika. »

Ils s’en allèrent chacun de son côté.

Après leur départ leurs deux enfants rentrèrent et virent le sac.

Sohitika imita le chant du coq, les deux enfants crurent que c’était un vrai coq, et, désireux de le faire combattre, ils ouvrirent le sac pour le prendre.

Quand le sac fut décousu, Sohitika, qui avait détaché les cordes dont il était lié, attacha les deux fils de Trimobe, les mit dans le sac qu’il recousit et se sauva.

Les deux enfants, après avoir un peu crié et pleuré, s’endormirent.

Longtemps après Trimobe et sa femme rentrèrent à la maison apportant de l’eau et du bois à brûler. Trimobe alluma du feu, et quand l’eau fut bouillante, il mit le sac dans la marmite et ne l’en retira

qu’après cuisson complète.

Lorsqu'ils l’ouvrirent pour manger Sohitika, ils reconnurent avec épouvante qu'ils avaient fait cuire leurs propres enfants.

Ils les enterrèrent tristement et furent en deuil.

Trimobe se cacha encore une fois dans ses orangers pour surprendre Sohitika.

Sohitika vint en effet, mais il se doutait que son ennemi était dans le champ et prépara une ruse.

11 apporta avec lui des entrailles de bœuf et un crochet de fer. Arrivé au milieu du champ, il lit rôtir les entrailles. Leur odeur embaumait le champ. Trimobe alléché s’approcha en demandant:

«Que fais-tu rôtir ici? Cela sent bien bon.

- Ce sont mes propres intestins, mon vieux ; ayant grand faim, j’ai tiré, avec ce crochet que tu vois, une partie de mes entrailles.

- Est-ce bien vrai ? Donne m’en donc un peu, que j’en goûte.

- C’est bien vrai », répondit Sohitika, et il donna un morceau à goûter à Trimobe.

Celui-ci ne put tenir sa langue, et, tout en mangeant, s’écria :

« Que c’est bon ! Quel goût fin ! »

Sohitika reprit ; « Tu es gros et gras ; si on prenait de tes intestins, ce serait encore bien meilleur.

- Mais comment fait-on pour les prendre, Sohitika?

- 11 n’y a qu'à rougir ce crochet au feu ; quand il est très chaud, on n’a plus qu’à l’enfoncer fortement dans l’anus.»

Trimobe pria Sohitika de faire rougir le crochet ; quand ce fut fait, Sohitika le lui enfonça dans l'anus de toute sa force, et Trimobe resta mort sur place.

 

Alors Sohitika s’empara de tous les biens de Trimobe, sans rien en laisser à sa femme.

 

Contes de Madagascar

Harles RENEL

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