Conte: Un voyageur qui ne perd jamais
Un voyageur qui ne perd jamais
Un jour, dans un village quelque peu isolé, Velonjara, le fils unique d’un homme richissime, voulut connaître la pauvreté.
Ses parents lui donnèrent cinq mille francs malgaches au cas où il aurait besoin de sous. Il partit un beau matin d’automne. Le cinquième jour de son voyage, il arriva dans le premier village. Il y sentit une odeur très mauvaise. Il demanda aux gens de ce village la provenance de cette odeur. On lui raconta qu’une dame pauvre venait de mourir et qu’un homme très riche du pays avait ordonné aux gens de ne pas enterrer cette femme. Velonjara demanda pourquoi, on lui répondit que cette femme avait une dette envers cet homme riche qu’elle n’avait pas pu rembourser avant sa mort.
Alors, il décida de rembourser cette dette au riche. Il lui donna trois mille francs malgaches et deux mille frabcs malgaches aux gens du village pour qu’ils enterrent la femme. Puis il s’en alla satisfait mais les poches vides .
Par la suite, il entra volontairement dans l’armée car à cette époque, il y avait la guerre mondiale. Quelques années plus tard , la guerre finie, il retourna dans son pays avec ses compagnons d’arme sur un bateau. Mais à, quelques milles de la côte, le bateau coula dans l’Océan Indien. Lui seul survécut au naufrage grâce à une énorme vague qui l’emporta sur une île perdue.
Il resta là, sans rien manger. Mais le deuxième jour, un aigle vint se poser à côté de lui et lui dit :
- Si je t’amène chez toi, qu’est-ce que tu me donneras ?
Il répondit :
- Je te donnerai de l’argent.
L’aigle refusa, Velonjara poursuivit :
- De la richesse ? Un terrain ? Des troupeaux ?
L’aigle refusa toujours. Velonjara lui demanda alors ce qu’il voulait… Le rapace lui dit :
Tôt ou tard quand tu seras marié, je voudrais votre premier enfant. Tu le couperas en morceaux et je le mangerai…
Comme il voulait rentrer chez lui, Velonjara accepta et l’aigle le ramena. Trois ans plus tard, il épousa une femme qui lui donna un beau garçon. Un matin de cette année-là, l’aigle se posa sur le toit de la maison de Velonjara et lui demanda le bébé pour le manger, comme promis. Le cœur brisé Velonjara dut se soumettre à sa promesse.
Il attacha son unique enfant, saisit le couteau et le leva.
- Arrête, voyageur qui ne perd jamais, dit l’aigle, j’avais pos » cette condition, c’est vrai ! Mais je suis la dame pauvre qui était morte il y a quelques années et qui a été enterrée grâce à toi. Alors, sois heureux, détache-le.
Après avoir dit ces paroles, l’aigle s’envola et disparut pour toujours.
C’est ainsi que Velonjara et sa famille vécurent heureux pour toujours dans leur pays.
Hélène d’Isotry
Angano
Contes et histoires de Madagascar
Recueillis, traduits et adaptés par
Bernard et Monique CLAVERIE
Lettres de l’Océan Indien
L’Harmattan