2013-10-14 Notes du passé: Des incidents minimisés dans le Sud

Publié le par Alain GYRE

Des incidents minimisés dans le Sud

 

Pendant la première guerre mondiale, Madagascar vit dans un calme presque complet. Jamais l’ordre, la sécurité, la domination française ne sont sérieusement mis en cause. Toutefois, quelques mouvements locaux éclatent. L’Extrême-sud notamment est à deux reprises le théâtre d’une agitation certaine.

Cette région du Sud extrême est une terre d’accès difficile, formée de vastes plateaux calcaires et cristallins, couverts d’une brousse basse avec des plantes à épines et aiguillons. Des peuples pasteurs de belle taille, de musculature puissante, qui se déplacent en clans à la recherche de points d’eau l’habitent, Mahafaly à l’Ouest, Antandroy à l’Est.

Maurice Gontard reprend en 1968, un rapport de l’époque. « Ces indigènes ont le visage expressif, énergique, non dénué de franchise ; ils ne manquent ni de bon sens ni même de finesse dans leur façon de raisonner.

Mais ces contrées du Sud sont aussi « une région traditionnelle de vendetta ». Il n’est pas une famille qui n’ait une violence à reprocher, dans le passé, à un groupement voisin.

C’est surtout une terre de vols de bœufs. Raymond Decary, dans sa « Monographie du district de Tsihombe » (Bulletin économique, 2e trimestre de 1921) l’écrit. « Dès que, après la naissance d’un enfant mâle, le père peut pénétrer dans la case de sa femme, il prend le tout nouveau-né dans ses bras et, armé d’une sagaie, danse autour de la mère en disant à son fils : Tu seras fort si tu es voleur ; si tu es voleur, tu ne manqueras de rien… Avec une pareille mentalité, les vols ne peuvent qu’être innombrables. »

D’ailleurs, les conditions administratives locales favorisent ces dispositions naturelles : très éloignées du gouvernement central, ces régions sont, elles-mêmes, à la lisière de deux provinces (sous la colonisation), Tolagnaro et Toliara. Pourchassées par les autorités de l’une, les bandes peuvent aisément passer dans l’autre.

Dès le début de 1915, des rapports signalent au gouverneur général Hubert Garbit l’existence de bandes dans le secteur d’Ampotoka, le long de la rivière Menarandra. Leurs membres sont formés d’anciens captifs qui se sont évadés des prisons des deux chefs-lieux de province. Il est notamment question de quatre évadés de Toliara, le 14 septembre 1914. Ils entraînent certains membres de leurs familles, s’arment de vieux fusils remis en état par des forgerons locaux et commencent leurs razzias au début de 1915. Le 23 janvier, un important vol de bœufs est commis dans la région. Une patrouille est envoyée fin février ; elle est arrêtée le 4 mars par une crue intempestive du Menarandra.

Des rapports ultérieurs donnent de ces premiers incidents un compte-rendu « optimiste et apaisant ». L’administrateur en chef de Toliara, Gerbinis, note en juillet 1915, « qu’ils ont été grossis et déformés par l’imagination indigène et ne présentent aucune gravité ».

Le gouverneur général reprend cette interprétation dans ses rapports à Paris. Le 6 juillet, il mentionne : « Quelques prisonniers évadés depuis plusieurs années et groupés entre eux, constituent une bande dans le but surtout de voler des bœufs. »

Et le 24 août, il rassure complètement le gouvernement : ces actes de brigandage n’ont « qu’une importance tout à fait locale sans répercussion sur la sécurité générale de la Colonie ». Néanmoins, en septembre, « sans doute pour rapprocher la zone d’insécurité du chef-lieu de la province, le gouverneur général Garbit procédait à un remaniement des deux circonscriptions de l’Extrême-Sud » (Maurice Gontard).

L’arrêté du 14 septembre repousse vers l’Ouest la limite de la province de Tolagnaro et c’est désormais le Menarandra qui sépare les deux provinces. « Le territoire ainsi rattaché à Fort-Dauphin formerait le poste administratif d’Ampotoka, inclus dans le district de Tsihombe.

 

Pela Ravalitera

 

Lundi 14 octobre 2013

L’Express

Publié dans Notes du passé

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