Légende: LA LEGENDE DU PAILLE-EN-QUEUE
Merci à Henri Loulou Maure pour cette légende
LA LEGENDE DU PAILLE-EN-QUEUE
De mon île lointaine ou chantent les flots bleus
J’ai rapporté pour vous ce conte merveilleux ;
Je l’ai appris là bas dans la brise légère
Qui murmure en passant dans les souples fougères
A l’heure ou les oiseaux cessant leurs chants bruyants
Se cachent pour dormir, dans les hauts flamboyants
Il y a bien longtemps, oh presque deux mille ans,
Dans cette ile vivait un bel oiseau tout blanc,
Un grand oiseau de mer a l’aile chatoyante,
Mais dont la queue surtout aux plumes abondantes,
Avait, quand sur les vagues, il se jouait nageant,
La blancheur de l’écume et l’éclat de l’argent.
C’est ici que l’histoire est belle, écoutez bien ;
Sur l’azur lumineux de l’océan Indien
Qui ondule en chantant au vent chaud de l’Afrique
S’éleva un matin un concert angélique
« Gloire à Dieu ! Un sauveur vous a été donné,
Un tout petit enfant cette nuit nous est né.
…
Et mille gloria montaient comme un arpège
Dans la brise embaumée ; le bel oiseau de neige
A senti dans son cœur bruler un feu étrange,
Et soudain s’élançant à la suite des anges,
Il a volé aussi vers l’enfant inconnu
Qui pour sauver le monde, du ciel était venu …
Après un long voyage, il vit en arrivant
La pauvre grotte obscure ouverte a tous les vents,
Dans la paille couchée « la forme blonde et rose »
D’un bel enfant dormant, la lèvre demi-close.
Et sa mère à genoux qui, de ses doigts menus
Essayait d’échauffer les tout petits pieds nus.
Jésus tremble en dormant et l’oiseau migrateur,
L’oiseau des pays chauds se demande, songeur,
Ce qu’il pourrait bien faire pour calmer la souffrance
Qui le fait frissonner le jour de sa naissance ;
Mais il n’a rien, sinon son plumage argenté,
Sa gloire et tout l’éclat de sa fière beauté.
Et l’oiseau fou d’amour et voulant tout donner
Se dépouille soudain pour son Dieu nouveau-né
De son bec effilé, une à une il arrache
Les aigrettes d’argent de sa queue en panache
Pour les faire « neiger » en soyeux flocons blancs
Qui couvrent en tombant les doux membres tremblants.
La Vierge les reçoit entre ses doigts bénis
En garnit le berceau comme un chaud petit nid
Inclinant la douceur de son jeune visage
Vers l’enfant endormi dans le tiède plumage ;
Lui s’éveille et Marie, des larmes dans les yeux
Lui montre toute émue le grand oiseau sans queue.
Jésus alors saisit entre ses petits doigts
Dans la crèche, une paille ferme et souple à la fois
Et la mit à l’oiseau, comme une queue étrange,
Puis l’ayant caressé et souriant un peu
Il lui dit: « Désormais tu seras Paille-En-Queue ».
Et c’est, raconte-t-on, depuis ce jour si beau
Que le blanc paille-en queue, seul entre les oiseaux,
Présente au lieu de queue une paille légère
Qui flotte dans l’azur comme un trait de lumière.
C’est la « légende bleue » que la brise en passant
Chante, dans mon pays, lorsque le soir descend.
Poème de Madeleine Béchard, Religieuse carmélite
née à l’Ile Maurice en 1876
† 18/11/1962 à Biarritz, France