Légende: La mariée doit être accompagnée quand elle rejoint son mari

Publié le par Alain GYRE

 

La mariée doit être accompagnée

quand elle rejoint son mari

(Légende)

 

Il était une fois, dit-on, au temps jadis, des gens, qui n’étaient guère nombreux, à cette époque lointaine. Et, parmi ces gens, qui n’étaient guère nombreux, il y eut un homme, et cet homme voulut prendre femme. Il prit femme, et ce qu’il cherchait c’était, bien sûr, d’avoir des enfants. Mis ils ne parvenaient pas à avoir des enfants alors qu’ils étaient encore d’âge à en avoir. Non, ils n’avaient pas d’enfants.

Alors, l’homme fit un vœu à une pierre sacrée :

- S’il se fait que ma feme est bien portante, et qu’elle me donne un enfant, que ce soit un garçon ou que ce soit une fille, car de cela je n’en fais pas choix, alors, si cela se réalise… Voilà ce pour quoi je prie, assiste-moi ô Créateur, sur ce que je dis là…

            Ils ont donc vécu ainsi, et un beau jour, voilà que sa femme est enceinte. Voyant sa femme enceinte, il dit :

- Si ma femme accouche d’un garçon, je le nourrirai, durant un mois entier, rien que de gibier. Mais si c’est une fille je lancerai sept fois la sagaie sur l’homme qui viendra la demander : ce sera là la dot à payer pour avoir le droit de l’épouser.

            Voilà ce qu’il dit à sa femme, devant la pierre sacrée des vœux.

            Et finalement, comme tout cela avait été fait, il lui est né un enfant. Et cet enfant, il l’a élevé. Et il s’est trouvé que c’était une fille. Et ensuite, quand l’enfant a été grande, il s’est dit :

- Il faudra bien qu’un jour quelqu’un vienne la demander en mariage. Mais je vais préparer le remède que je devrai lui administrer, dans les formes exactes que je dois suivre.

            Or, comme tout cela avait été fait, il a fabriqué une sagaie, il en a fabriqué le manche, et il l’a frotté d’huile, et il l’a portée dans le grenier. Il a déposé sa sagaie dans le grenier.et, la sagaie étant déposée dans le grenier, beaucoup d’hommes sont venus demander la fille en mariage, car elle avait l’âge où les seins pointent aux filles. (…) Les prétendants affluaient.

            Un prétendant arrive, et présente sa demande. Le père lui dit :

- Voici ce que je peux faire : je ne suis pas exigeant pour donner ma fille, non je ne suis pas exigeant. Si un homme la demande, et qu’elle l’aime, voici ce que je lui propose : je ne demande aucune dot pour ma fille ! Non, pas de dot ! Seulement une chose : je lancerai sept fois la sagaie sur l’homme qui viendra demander ma fille. S’il meurt de ces sept coups de sagaie, c’est que telle était la destinée de ce jeune homme. S’il vit, la femme sera à lui sans autre forme de procès, il n’aura, en fait de dot, pas même une piastre à débourser.

            Les choses étant organisées de la sorte, cela se passait toujours de même : un homme se présentait, mais il n’osait pas se soumettre à la fameuse dot exigée pour la demoiselle, et il s’enfuyait. Un autre se présentait, il n’osait pas non plus, et il s’enfuyait..

            Arrive alors un Makoa, qui venait de l’ouest, comme par exemple de Mandritsara. Il se présente et il dit :

- Je suis venu chez vous, pour une seule raison, qui est de chercher femme, car je n’en ai point encore rencontré. Aussi, s’il est possible d’en trouver chez vous, eh bien, je cherche une femme, dont je pourrai assurer la subsistance, et qui m’aidera à m’occuper de ma vieille mère.

- Certes, répond le père de la future ! Elle est là, elle est comme « le tabac : celui qui l’a planté ne le chique pas, c’est à un autre qu’il revient de le chiquer ». Et cependant, j’ai à rappeler qu’autrefois, comme avec ma femme nous ne parvenions pas à avoir un enfant, j’ai fait un vœu. Et le vœu que j’ai fait, par devant le Créateur et les Ancêtres, c’était que si nous avions un enfant, et que cet enfant était un garçon, eh bien, durant un mois entier, je ne l’aurais nourri que de gibier. Mais si l’enfant était une fille, alors, à l’homme qui devrait l’épouser, je lancerais sept fois  la sagaie : et c’est ainsi qu’il paierait sa dot.  S’il en meurt, c’est que la fille n’est pas dans sa destinée. Voilà ce qu’il en est. Si tu oses te soumettre à cette condition, je t’amène l’instrument, et je commence l’exercice.

- Oui, répond l’homme, le jeune Makoa, c’est bien ! Car « mourir sept fois, ou mourir huit fois, qu’importe, si l’on meurt pour ce qu’on aime », et c’est bien cela la raison de mon voyage : ce que je n’ai point, je le recherche, ce qui manque à ma demeure, j’en suis en quête. Et s’il en est ainsi, eh bien, il faut, comme on dit, « soulever le vieillard, et porter à dos le malade », si telle est la destinée.

            Et, comme tout cela avait été fait, le père de sa future lui a fixé un jour. Il lui a dit :

- Jeudi, nous chercherons ce qu’il faut, et nous réunirons tout le village, nous convoquerons toute la parenté, pour lr cas où il arriverait qu’il t ait mort d’homme de ton côté, ou querelle du mien. Mais s’il n’y a plus d’accord sur ce qui a déjà été convenu, oh, dans ce cas, mon engagement ne tient plus !

- C’est bien ! S’il en est ainsi, je t’ai déjà donné mon accord, et s’il n’y a aucun changement, je suivrai tes conditions. Faisons l’épreuve au jour dit.

Alors, les choses étant ce qu’elles sont, le père a déclaré :

- Mets-toi par ici, que je convoque les habitants du village. Je  vais convoquer les habitants du village, mets-toi par ici.

            Le jeune homme s’est tenu in peu à l’écart, pendant que le père de sa future parlait :

- Je vous ai appelés, vous les habitants du village, et toute la parenté, pour une seule raison. Et cette raison, c’est que, voici bien longtemps maintenant, j’ai fait un vœu à l’endroit de ma femme. Et par ce vœu fait devant la pierre sacrée, je demandais un enfant. Et ce vœu fut fait par devant le Créateur, et par devant les Ancêtres.

            Et le père de la jeune fille a continué en disant :

- Lorsque ce fut fit, ma femme devint en effet enceinte, et elle mit au monde une fille, et non un garçon,. Cette fille a maintenant grandi, et elle a atteint l’âge où les hommes peuvent la désirer. Aussi sont venus des prétendants, nombreux, qui me l’ont demandée. Mais aucun jusqu’à présent ne m’a apporté les gages que j’ai fixés pour elle en raison du vœu que j’ai fait. En conséquence, comme ce jeune Makoa est venu la demander, je ne prendrai de lui ni parole, ni richesse. La seule chose que je prendrai de lui, c’est l’accomplissement de mon vœu. S’il peut faire en sorte d’accomplir ce vœu, la femme sera à lui. Voilà pourquoi je vous ai appelés, vous les habitants du village.

- C’est bien, ont répondu les habitants du village ! S’il en est ainsi, nous te remercions, et nous n’avons rien à ajouter. Et toi, est-ce que tu es décidé à accomplir cette condition ?  

- Je suis décidé, a dit le jeune homme. S’il en est ainsi, il n’y a d’inconvénient, procédons à la chose !

            Alors, le jeune homme s’est tenu debout à l’écart. Et comme il se tenait là, on lui a dit :

- Toi, l’ami ! Tu demandes ma fille, tu es venu chercher femme, mais il faut auparavant que j’accomplisse le vœu que j’ai fait. Aussi, je l’accomplis en te lançant cette sagaie !

            Le père lance la première sagaie. Elle lui passe par-dessus l’épaule pour s’enfoncer dans le sol derrière lui.

- Une de partie ! Il en reste six.

            Et il lance aussitôt la deuxième ; elle passe entre les jambes du jeune homme, sans le toucher, et elle vase planter dans le sol. Il en reste cinq.

            Il en reste donc cinq. Et le père dit encore :

- Deux de parties ! Mais prends garde à celle-ci !

            Il lance la sagaie. Elle passe sous l’aisselle du jeune homme pour aller se perdre on ne sait où, et s’enfoncer quelque part dans le sol. A ce moment, il en reste quatre . trois étaient déjà parties.

            Et alors, les choses étant ainsi, il en lance encore une. Elle vient lui passer de côté, lui frôler l’épaule de l’autre côté. Et alors, comme celle-là était partie, il n’en reste plus que deux.

            Il en lance encore une. Et celle-là porte trop court. Elle tombe juste devant lui, tout près de lui mais sans le toucher. (…) Alors, il n’en reste plus qu’une.

            Et alors, les choses étant ainsi, finalement, il dit :

- Il me semble bien, l’ami, qu’il y en a déjà six de parties ! Mais celle-ci, prends bien garde qu’elle ne te rencontre !

- C’est bien, dit l’autre, envoie !

            Il la lance. Mais elle porte trop, loin, lui passant par-dessus la tête.

            Et alors, les choses étant ainsi, il a voulu la reprendre, et aller ramasser toutes les autres pour les lui renvoyer encore. Mais les gens du village s’y sont opposés :

- Ah non ! Cela n’entre pas dans les clauses convenues, et si c’est ainsi que tournent les choses, il faut arrêter. Ce n’est pas compris dans l’accord.

            Il a donc fallu laisser les sagaies et finalement le père a déclaré :

- Oui, l’ami, je te félicite, et que la bénédiction de Dieu soit sur toi. Cependant, voici le conseil que je veux te donner : tu as gagné ta femme, elle est à toi par la force du destin. Et, les choses étant ainsi, vous allez demeurer d’abord une semaine ici, et c’est après seulement que vous partirez.

            Et, pendant toute cette semaine, on a tué d’abord un bœuf pour les gens du village, et un autre pour le jeune homme lui-même, pour le régaler pendant cette semaine, et en outre on lui a offert des canards, et des oies, et des dindons, et des canards de Barbarie. Pendant toute cette semaine, le jeune homme s’est régalé de volaille !

            Une semaine s’est donc passée ainsi, et le jeune homme de dire :

- Voilà déjà trop longtemps que j’ai quitté mon village, et ma vieille mère s’affaiblit de plus en plus, si bien que j’ai scrupule à la laisser seule plus longtemps. Aussi faut-il que je prenne congé de vous, et que je reparte.

            Il présente donc ses respects à son beau-père, lui disant :

- Si je m’en vais, respectable beau-père, c’est pour les raisons que je t’ai déjà dites : voilà longtemps que j’ai quitté mon village, et ma vieille ùère est dans la peine, elle est restée sans personne pour s’occuper de ses repas, ni de sa toilette. Aussi, il est temps que nous repartions, si tu n’y vois pas d’obstacle.

- C’est bien. Si les choses sont ainsi, c’est justement ce que je t’avais recommandé : que vous restiez une semaine avant de partir. Et la semaine étant terminée…, eh bien, je te remercie. Pourtant nous n’avons pas encore pu préparer les bagages de la mariée : nous n’avons pas terminé les nattes, nous ne nous sommes pas encore procuré les oreillers… Donc, vous emporterez quelques nattes pour tout couchage, et un autre jour les garçons viendront vous apporter le reste des bagages.

 - Oui, répondit le jeune homme, si c’est ainsi, il n’y a pas d’inconvénient.

      Alors, les choses étant ainsi, ils sont partis. Ils ont marché, marché… Et il y avait des gens qui avaient  prévu la chose. En effet, le long de la grand-route, on devait passer par les villages de tous ceux qui avaient voulu courtiser la fille, mais qui avaient reculé. Et parmi eu, il y en avait qui projetaient de tuer le jeune homme. Aussi, comme il avait déjà passé deux villages, voilà qu’on lui adresse la parole.

            Un homme du village le salue :

- Quelles sont les nouvelles ?

- Point de nouvelles, répond le jeune homme, si ce n’est que je suis allé chercher femme. Et j’ai réussi à l’obtenir, au prix de l’épreuve des sept sagaies.

- Ah, l’ami, tu l’as au pour sept sagaies ?

- Oui, pour sept sagaies.

- Ces sept sagaies, tu as pu les esquiver, mais si je t’envoie la mienne, tu ne l’esquiveras pas !

- mais, l’ami, ce n’est pas, sais-tu bien, comme si on pouvait acheter cela à prix d’argent. C’est une chose qui vient de la destinée. Si cette femme n’avait pas été dans ma destinée, oh, je serais déjà mort de ces sagaies qu’on m’a lancées. (…) Mais comme c’était dans ma destinée, eh bien, on n’a pas pu me tuer…

            Voilà la réponse que le jeune Makoa lui a faite.

            Mais l’autre alors :

- Oui ! Eh bien, c’est ce que nous allons voir tout de suite !

            Et le gars du village lui lance sa sagaie de toutes ses forces… Il veut l’en transpercer. Mais la sagaie est à peine partie, que le jeune homme la saisit au vol. il l’arrache au gars du village, et il l’emporte.

            Il a continué son chemin, et il est arrivé dans un autre village.

- Oh ! Les gars ! Ce type… il l’a eue, la femme ?

            On le salue :

- Quelles sont les nouvelles, l’ami ?

- Point de nouvelles, répond le jeune homme, si ce n’est que je suis allé chercher femme, et que maintenant je rentre.

- Et tu l’as eue pour combien ?

- Je l’ai eue pour sept sagaies.

- Pour sept sagaies ?

- Oui.

- Eh bien, si c’est ainsi, ces sept sagaies, tu as pu les esquiver, mais celle-ci, tu ne l’esquiveras pas !

            Il avait à peine fait cette réplique et pris sa sagaie, que le jeune homme la lui a déjà arraché ; il la lui a lancée, mais aussitôt le jeune homme l’a en mains. Maintenant il les porte toutes les deux sous le bras. C’est le jeune Makoa qui a les sagaies (…)

            Il continue son chemin, et il arrive dans un autre village.

- Quelles sont les nouvelles ?

- Point de nouvelles, si ce n’est que je suis allé chercher femme…

(Et le village où il se rendait n’était pas à côté. Non c’était fort loin. alors…)

- Point de nouvelles, si ce n’est que je suis allé chercher femme, et que j’ai réussi, alors je rentre.

- Et tu l’as eue pour combien, cette femme ?

- Pour sept sagaies, répond le jeune homme.

- Ah oui ! Ces sept sagaies, tu as pu les esquiver, l’ami, mais en voici une troisième que tu n’esquiveras pas !

            Voilà ce qu’il lui dit. Il l’appelle une troisième, parce qu’il a vu les deux sagaies qu’on vient de lui lancer, et que le jeune homme porte sous le bras gauche.

            Alors, il continue comme ça jusqu’à ce que finalement, il arrive un peu plus loin… Et il arrive à esquiver sept sagaies, après lesquelles il va encore en affronter une huitième, là, parce qu’il y a un gars de ce village qui vient se fourrer entre eux deux. Il lui dit : (…)

- Les sept sagaies, tu as pu les esquiver, mais cette huitième que voici est encore avec moi. Voilà pourquoi je me fourre là, et je te transperce de cette sagaie !

            Alors la jeune femme s’est mise à pleurer.

- Hé, je vais mourir avec mon mari ! Je vais mourir !

- Et pourquoi est-ce tu mourrais ? (…) Toi, femme, ne radote pas ! Tu es ma femme, maintenant. Et ce gars, tu vas voir comment je vais me fourrer à sa place !

 

            Alors, les choses étant ainsi, ils sont partis. Ils ont marché, marché… Et il y avait des gens qui avaient  prévu la chose. En effet, le long de la grand-route, on devait passer par les villages de tous ceux qui avaient voulu courtiser la fille, mais qui avaient reculé. Et parmi eu, il y en avait qui projetaient de tuer le jeune homme. Aussi, comme il avait déjà passé deux villages, voilà qu’on lui adresse la parole.

            Un homme du village le salue :

- Quelles sont les nouvelles ?

- Point de nouvelles, répond le jeune homme, si ce n’est que je suis allé chercher femme. Et j’ai réussi à l’obtenir, au prix de l’épreuve des sept sagaies.

- Ah, l’ami, tu l’as au pour sept sagaies ?

- Oui, pour sept sagaies.

- Ces sept sagaies, tu as pu les esquiver, mais si je t’envoie la mienne, tu ne l’esquiveras pas !

- mais, l’ami, ce n’est pas, sais-tu bien, comme si on pouvait acheter cela à prix d’argent. C’est une chose qui vient de la destinée. Si cette femme n’avait pas été dans ma destinée, oh, je serais déjà mort de ces sagaies qu’on m’a lancées. (…) Mais comme c’était dans ma destinée, eh bien, on n’a pas pu me tuer…

            Voilà la réponse que le jeune Makoa lui a faite.

            Mais l’autre alors :

- Oui ! Eh bien, c’est ce que nous allons voir tout de suite !

            Et le gars du village lui lance sa sagaie de toutes ses forces… Il veut l’en transpercer. Mais la sagaie est à peine partie, que le jeune homme la saisit au vol. il l’arrache au gars du village, et il l’emporte.

            Il a continué son chemin, et il est arrivé dans un autre village.

- Oh ! Les gars ! Ce type… il l’a eue, la femme ?

            On le salue :

- Quelles sont les nouvelles, l’ami ?

- Point de nouvelles, répond le jeune homme, si ce n’est que je suis allé chercher femme, et que maintenant je rentre.

- Et tu l’as eue pour combien ?

- Je l’ai eue pour sept sagaies.

- Pour sept sagaies ?

- Oui.

- Eh bien, si c’est ainsi, ces sept sagaies, tu as pu les esquiver, mais celle-ci, tu ne l’esquiveras pas !

            Il avait à peine fait cette réplique et pris sa sagaie, que le jeune homme la lui a déjà arraché ; il la lui a lancée, mais aussitôt le jeune homme l’a en mains. Maintenant il les porte toutes les deux sous le bras. C’est le jeune Makoa qui a les sagaies (…)

            Il continue son chemin, et il arrive dans un autre village.

- Quelles sont les nouvelles ?

- Point de nouvelles, si ce n’est que je suis allé chercher femme…

(Et le village où il se rendait n’était pas à côté. Non c’était fort loin. alors…)

- Point de nouvelles, si ce n’est que je suis allé chercher femme, et que j’ai réussi, alors je rentre.

- Et tu l’as eue pour combien, cette femme ?

- Pour sept sagaies, répond le jeune homme.

- Ah oui ! Ces sept sagaies, tu as pu les esquiver, l’ami, mais en voici une troisième que tu n’esquiveras pas !

            Voilà ce qu’il lui dit. Il l’appelle une troisième, parce qu’il a vu les deux sagaies qu’on vient de lui lancer, et que le jeune homme porte sous le bras gauche.

            Alors, il continue comme ça jusqu’à ce que finalement, il arrive un peu plus loin… Et il arrive à esquiver sept sagaies, après lesquelles il va encore en affronter une huitième, là, parce qu’il y a un gars de ce village qui vient se fourrer entre eux deux. Il lui dit : (…)

- Les sept sagaies, tu as pu les esquiver, mais cette huitième que voici est encore avec moi. Voilà pourquoi je me fourre là, et je te transperce de cette sagaie !

            Alors la jeune femme s’est mise à pleurer.

- Hé, je vais mourir avec mon mari ! Je vais mourir !

- Et pourquoi est-ce tu mourrais ? (…) Toi, femme, ne radote pas ! Tu es ma femme, maintenant. Et ce gars, tu vas voir comment je vais me fourrer à sa place !

            Il poursuit le jeune homme avec sa sagaie. Et pendant qu’il avance, le jeune homme lui fait face, il se garde en marchant à reculons…, tant et si bien que finalement, le jeune homme tombe dans un trou d’igname, un trou bien profond et bien grand. Le voilà tombé dedans. Une fois notre homme tombé dans le trou d’igname, l’assaillant lui dit :

- cette fois, toi, tu vas mourir !

            Mais quand il se penche pour le transpercer de sa sagaie, le jeune Makoa saute sur lui, et le pique d’un bon coup de sagaie. Il tombe mort, celui qui le poursuivait, qui essayait de se glisser entre lui t sa femme. Dès qu’il est mort, le jeune homme se relève, et il dit à sa femme :

- Retournons, parce que nous sommes encore loin de là où nous allons. Mieux vaut revenir.

            La femme répond :

- Eh bien, je n’ai pas d’opposition. Si c’est comme ça, nous pouvons retourner chez mon père. Tout ça est bien triste.

            Ils s’en retournent, ils reviennent chez le père de la femme, et les petits enfants les ont vus les premiers, de derrière la maison :

- Oh ! Voilà ma grande sœur qui arrive ! C’est ma grande sœur qui arrive !

- Mais non, impossible ! Ta grande sœur ne peut pas être revenue. Elle vient juste de partir.

- Je te dis que c’est eux qui arrivent !

            Finalement, c’était bien eux. Et en arrivant ils crient :

- Vous êtes là ? On peut entrer ?

- Mais oui, entrez, disent les parents.

            Ils entrent. Ils sont là.

- Qu’est-ce qui vous est arrivé, mes enfants ?

- Oh la ! Nous avons failli mourir, papa ! Tous les hommes qui m’avaient demandée en mariage depuis tout ce temps, ils avaient tous gardé rancune à mon mari, et ils avaient combiné de le tuer. Ils ont bien failli le tuer. Il est même tombé dans un trou d’igname, mon cher mari. Mais voilà, comme l’autre allait le transpercer avec sa sagaie dans le trou d’igname, c’est lui à son tour qui y est tombé ! Il était sur le point de frapper mon mari, quand ce cher Makoa a réussi à le tuer. Et puis, une fois qu’il a été tué, comme le trajet était encore long, nous avons décidé de revenir sur nos pas. Le trajet est encore long, avons-nous pensé, et si c’est comme ça, nous allons d’abord retourner chez  notre père pour réfléchir ! Voilà pourquoi nous sommes revenus, et nous nous trouvons ici maintenant.

            Voilà la raison de leur retour ; et, selon l’ancienne coutume, la femme ne peut s’en aller comme ça, sans être accompagnée ! c’est depuis ce temps-là que cette coutume a commencé ; c’est la raison pour laquelle les Anciens avaient prononcé cette imprécation :

- Fille ou petite-fille, quiconque de toute ma descendance partira de la paternelle sans être accompagnée, je l’exclus de ma lignée ! Puisse-t-elle être piteuse ! Que rien ne lui réussisse !

            Et c’est ce qui fut fait en ce temps-là. La femme, au temps jadis, il n’était pas nécessaire qu’elle soit accompagnée ; celui qui l’aimait pouvait simplement l’emmener avec lui. Mais depuis ce temps-là, depuis l’époque de ce jeune homme, si on prend femme, si on établit le mariage selon la coutume, il faut que la femme soit accompagnée.

            Telle est l’origine de la règle qui veut qu’on accompagne la mariée. Même si l’endroit est tout proche, il faut l’accompagner, car on ne sait quel accident peut arriver par la suite !

 

                                                                                              Fulgence FANONY

Le tambour de l’ogre

Littérature orale Malgache

tome 2

L’Harmattan 

                                                                                                  

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article