Conte: Le vintsy et le caïman

Publié le par Alain GYRE

 

Le vintsy et le caïman

Fable Antankarana

Recueillie à Amboanio (province de Vohemar).

 

Jadis le vintsy et le caïman étaient bons amis et vivaient dans la même eau. Un jour un caïman se chauffait au soleil, lorsqu’un homme le vit et cria : « Quelle méchante bête que le caïman : aucun animal n’est aussi méchant que lui! Nous allons le tuer! » En entendant ces paroles le caïman eut peur et se jeta dans l’eau.

Mais l’homme et ses compagnons passèrent la rivière dans une pirogue; quand ils eurent gagné l’autre rive, un vintsy vint se poser près d’eux sur un roseau ; et ils lui dirent, en louant sa beauté :

« Quel joli oiseau! Que ses plumes sont brillantes! Que ses pieds sont propres! Que sa tête est belle et curieuse à voir! »

Puis les hommes s’en allèrent.

0r, le grand caïman qui avait fui devant les hommes gardait le passage de la rivière ; il dévorait les bœufs et les personnes; le roi voulait le faire tuer et promettait pour cela cent piastres de récompense. Le Vintsy vint trouver le roi et lui dit :

« Je me charge de la chose. Donne- moi beaucoup d’abeilles et garde tes cent piastres. »

Puis il retourna au bord de la rivière.

Quand il le vit, le caïman cria :

« Vintsy, Vintsy, donne-moi de la beauté, pour que mes pieds soient propres et que ma tête soit curieuse à voir! »

Ravintsy lui répondit :

 « Monte donc sur la terre ferme avec ta famille, avec tes enfants et tous tes descendants!»

Le caïman y consentit; il réunit ses enfants et ses descendants qui habitaient de nombreux cours d'eau; et lorsqu’ils furent rassemblés, le vintsy pêcheur les emmena tous dans un endroit très éloigné de l’eau, et où il y avait beaucoup de chaumes, car, disait-il, si près de l’eau vous ne sauriez devenir jolis. Quand il fut arrivé à l’endroit où il voulait les conduire, il les fit chanter ainsi;

«Jolis! Jolis! Jolis! Que brillantes sont nos écailles ! Que propres sont nos pieds! Que notre tète est belle et curieuse à voir! »

Pendant qu’ils chantaient ainsi, tout heureux de devenir beaux, le vintsy mit le feu aux chaumes où ils se trouvaient, et tous furent brûlés, à l’exception d’un seul qui se sauva et parvint à gagner la rivière.

Une fois arrivé dans l’eau ( il pondit des œufs et quand les petits caïmans furent nés, il leur dit :

« Notre grand-père nous avait réunis, pour que le vintsy nous rende beaux comme lui et nous fasse les pieds propres, comme les siens, et les écailles comme ses plumes, et la tête jolie comme la sienne. Mais le traître nous réunit dans des chaumes loin de l’eau et brûla tous nos parents. Moi seul ai pu sauver ma vie. Je vous avertis donc, mes enfants, pour que vous et vos descendants mangent le vintsy partout où ils le trouveront, car notre amitié n’existe plus.»

De son côté le vintsy dit à ses petits:

« Que mes enfants et mes descendants qui s’approchent de l’eau, n’y plongent que la tête, puis remontent sur la terre et ne s’attardent point dans l'eau. »

 

Voilà pourquoi l’oiseau pêcheur, dans la crainte d’être dévoré par le caïman, ne reste pas longtemps dans l’eau quand il s')' plonge, et voilà aussi pourquoi le caïman a des pieds presque sans orteils et des mains sans doigts : le feu les a dévorés.

 

Contes de Madagascar

Charles RENEL

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