Conte: Rangahibe, Ramanba et le Chien

Publié le par Alain GYRE

 

Rangahibe, Ramanba et le Chien

Fable Betsimisaraka

Recueillie à Vatcmandry (province des Betsimisaraka-du-Sud).

 

Ingahibe aimait beaucoup les saonjo, et chaque année il ne faisait presque que cette culture.

Une fois qu’il cherchait un terrain pour faire un champ nouveau, il ne trouva qu’un petit espace au bord d'un fleuve.

Un crocodile avait l’habitude de s’y chauffer au soleil.

Cependant Rangahibe y planta ses saonjo et ils y vinrent à merveille.

Depuis le moment où il s’était mis à travailler le terrain, le caïman n’y montait plus, car il n’y avait plus d'herbes, mais quand les saonjo se mirent à pousser, drus comme une prairie, l’animal revint et recommença à fréquenter l’endroit.

Rangahibe, furieux de voir sa culture abîmée, disposa un piège.

Le lendemain, curieux de voir qui lui ravageait son champ, il s’y rendit de bon matin et trouva pris un énorme mamba.

La bête ouvrit une gueule effroyable armée de superbes dents.

Comme les dents de caïman se vendaient cher, Rangahibe fut enchanté de l’aubaine, déjà il calculait en lui-même combien lui rapporteraient les dents de son ennemi, à tant l’une. 11 était si joyeux qu’il songeait à laisser la vie au caïman et même à lui rendre la liberté : de cette façon les dents précieuses pourraient repousser.

11 alla donc à la ville chercher un pilon, et, revenu à son champ, se mit à casser une à une les dents de Ramamba; mais celui-ci se remua tant et si bien qu'il rompit les cordes qui l’attachaient.

Redevenu libre, il saisit Rangahibe et l’emporta dans la rivière.

11 ne l’avait pas encore tué, mais s’apprêtait à le déposer dans son trou sous la berge, lorsqu’il sentit une envie de faire ses excréments.

Il avisa un chien au bord de l’eau et lui dit :

« Veux-tu, je te prie, me garder un moment ma proie, pendant que je vais faire mes besoins; si je la laissais, j’aurais peur que les autres caïmans viennent me la manger.

- En effet, répondit le chien, si tu laissais l'homme dans la rivière, les autres arriveraient sûrement pour s’en régaler. Je vais donc te le garder jusqu’à ton retour. »

Or, dès que le caïman eut déposé Rangahibe sur la terre ferme, celui-ci s'enfuit bien vite avec le chien son sauveur.

Et, quand Ramamba, après avoir fait ses besoins, fut de retour, les deux amis étaient déjà dans la case, en train de bien dîner.

 C’est pourquoi, dit- on, les Betsimisaraka aiment les chiens et c’est de là que vient le proverbe :

« Quand un Betsimisaraka vient en Imerina, il n'emmène en s’en retournant chez lui qu’un chien. »

 C’est pourquoi aussi les caïmans ont pour les chiens une haine particulière.

 

Contes de Madagascar

Charles RENEL

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article