Conte: L’homme fort et son âne

Publié le par Alain GYRE

L’homme fort et son âne

Ilay lehilahy matanjana sy ny ampondrany

 

            Il était une fois un homme fort qui voyageait avec son âne. Et l’endroit où il allait était bien loin. et il poussait son âne à coups de cravache et d’aiguillons, et l’âne courait, bondissait… Ils avançaient ainsi, ils avançaient. Et l’âne était déjà bien fatigué quand ils arrivèrent à un village qu’on appelle Andampinivalo, un village écarté, avec une grande forêt dans les environs. Et là, l’homme demanda (à un vieillard qu’il avait rencontré) :

- Hé ! Grand-père, est-ce que je peux passer aujourd’hui cette grande montagne, ou non ? Le jour commence à baisser, il est à peu près quatre heures et demie, et la forêt, on n’en voit pas la fin, alors qu’est-ce que je dois faire ?

- Voilà, dit le vieillard, ce que tu dois faire. Si tu vas doucement, tu pourras y arriver facilement, mais si tu avances comme tu as fait jusqu’ici, à coups d’aiguillons et de cravache, en faisant courir et bondir ton pane comme ça, alors, je ne veux pas te dire de mensonges : aujourd’hui tu dormiras dans la forêt !

- bon, bon, se dit l’homme !

            Et il n’attacha aucune importance à ce que le vieillard lui avait dit. Il est reparti, et toujours à coups d’aiguillons et de cravache, il avançait, il avançait. Et, en marchant, il parlait tout seul :

- Bah ! Ce vieillard est sot ! Comment ? Quand j’aiguillonne mon âne, quand je le cravache, il va à toute vitesse, et lui, il prétend que c’est comme ça que je n’y arriverai pas ! Il voudrait que j’aille tout doucement, et c’est comme ça que, d’après lui, je pourrais passer la forêt. Il est complètement idiot, ce vieux-là ! Il a l’âge, mais la sagesse, il n’en a guère !

            Alors, il avançait toujours de la même manière. Mais, une fois arrivé, disons, à peu près au milieu de la forêt, l’âne se trouva exténué. Impossible de le faire avancer. Il s’immobilisa, et l’homme avait beau l’aiguillonner, le cravacher, rien à faire.

            Et notre homme est resté là, tout piteux et il a commencé à pleurer en voyant la nuit qui tombait, et en entendant les cris de toutes les espèces de lémurs de la forêt. C’est là qu’il commençait à être inquiet ! Et en plus, les caméléons… !

            C’est alors qu’il se dit :

- Hélas ! Si j’avais su écouter ce vieillard, se dit-il, je serais arrivé, même un peu tard dans la nuit. Mais comme j’ai méprisé les paroles de ce vieillard, voilà ce qui m’arrive ! ma bête de somme est épuisée, et moi je vois bien que le vieux avait raison.

 

            Et voilà la morale de ce bref récit : ne méprisez pas les paroles des aînés : elles peuvent nous être d’un grand secours.

 

 

Fulgence FANONY

L’Oiseau Grand-Tison

Et autres contes Betsimisaraka du Nord

Littérature orale Malgache

tome 1

L’Harmattan 

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