Conte: L’oiseau Grand-Tison Raforôhabe

Publié le par Alain GYRE

 

L’oiseau Grand-Tison

Raforôhabe

 

Grand-Tison, à ce qu’on dit, a pondu sur un arbre.

L’arbre, à ce qu’on dit, a été abattu par l’ouragan,

L’ouragan a été arrêté par la montagne,

La montagne a été entaillée par le coupe-coupe,

Le coupe-coupe a été ébréché par le rocher,

Le rocher a été recouvert par l’eau,

L’eau a été prise par le bambou-à-puiser,

Le bambou-à-puiser a été fendu par la chaleur du soleil.

Grand-Tison dit :

- Toi, Chaleur -du-Soleil, tu es bien forte ? Nous allons nous battre !

            Chaleur-du-Soleil répond :

- Oh non. je ne suis pas forte. Si j’étais forte, serais-je emportée par Nuée ? Quand vient Nuée, quand vient Grand-Nuage-Sombre, dit-elle, je suis toute enveloppée, et je n’ai plus de chaleur.

Grand-Tison, à ce qu’on dit, a pondu sur un arbre.

L’arbre, à ce qu’on dit, a été abattu par l’ouragan,

L’ouragan a été arrêté par la montagne,

La montagne a été entaillée par le coupe-coupe,

Le coupe-coupe a été ébréché par le rocher,

Le rocher a été recouvert par l’eau,

L’eau a été prise par le bambou-à-puiser,

Le bambou-à-puiser a été fendu par la chaleur du soleil,

La chaleur du soleil est emportée par la nuée.

            Grand-Tison dit :

- Tu es forte, ô Nuée ? Nous allons nous battre !

            Nuée répond :

- Oh non. je ne suis pas forte. Si j’étais forte, la foudre m’emporterait-elle ? La foudre, dit-elle, m’emporte comme ça, et elle m’enlève tout en haut. C’est à cause d’elle que ça m’arrive.

            Et ils continuent encore leur chemin.

Grand-Tison, à ce qu’on dit, a pondu sur un arbre.

L’arbre, à ce qu’on dit, a été abattu par l’ouragan,

L’ouragan a été arrêté par la montagne,

La montagne a été entaillée par le coupe-coupe,

Le coupe-coupe a été ébréché par le rocher,

Le rocher a été recouvert par l’eau,

L’eau a été prise par le bambou-à-puiser,

Le bambou-à-puiser a été fendu par la chaleur du soleil,

La chaleur du soleil est emportée par la nuée,

La nuée est emportée par la foudre.

- Tu es forte, ô Foudre ? Nous allons nous battre !

- Oui, dit la Foudre, je suis forte, si tu veux te battre.

            Et ils fixèrent les conditions du combat :

- comment ferons-nous, puisque nous allons nous battre ? Celui qui sera vaincu, qu’est-ce qu’on lui fera ? Eh bien, tout d’abord, celui qui sera vaincu, on lui fera une marque. Et en second lieu, il devra payer une amende. (Mais cette amende ne fut point fixée à l’avance.)

            Et ils commencèrent le combat, et de se taper, et de se taper…

            C’était le combat de la Foudre contre Grand-Tison. Et Grand-Tison fut vaincu par la Foudre.

- En signe de ta défaite, dit la Foudre, je te marquerai au gosier.

            Et toc ! Elle marque d’un point blanc le gosier de Grand-Tison.

- Et en second lieu, dit-elle, comme amende, je t’oblige ç m’apporter chaque matin de l’eau pour ma toilette.

            Et c’est ce que fait encore jusqu’à présent le râle, l’oiseau que nous appelons aussi « Grand-Tison ». quand il s’envole, il monte d’abord bien haut, et ensuite pouh ! Il se laisse retomber d’un seul coup. Et ensuite, dès qu’il entend un bruit qui ressemble à une détonation , le Grand-Tison, c’est-à-dire le râle, crie :

- Ah, fait-il, ou-li, ou-li, ou-li !

            Il fait ça parce qu’il croit que c’est encore la foudre qui veut se battre avec lui.

            Et jusqu’à maintenant, ainsi font chez nous les petits enfants qui vont chasser les râles, ils frappent fort sur les feuillages pour faire un bruit d’explosion, pok ! Et aussitôt le râle ne manque pas de répondre :

- Ou-li, ou-li, ou-li !

            Voilà ce qu’il dit.

            Voilà aussi pourquoi, à ce qu’on dit, le râle a une tache blanche sur le cou, et pourquoi il crie dès qu’il entend un bruit d’explosion. Il a encore peur, il croit toujours que c’est la foudre qui veut se battre avec lui.

            Et pour les gens qui croient aux talismans faits à base de plantes, qui ont ce talisman contre la foudre qu’on appelle « adoucisseur », il leur est interdit d’apporter au village un râle, car le talisman « adoucisseur » concerne la foudre, et la foudre déteste le râle,.

 

Telle est la légende que je raconte. C’est l’histoire du râle, et la raison pour laquelle le râle a une tache blanche sur le cou.

 

Fulgence FANONY

L’Oiseau Grand-Tison

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Littérature orale Malgache

tome 1

L’Harmattan 

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