Conte: Le guerrier devenu dragon Ilay nanafiky nanjary fananiny

Publié le par Alain GYRE

Le guerrier devenu dragon

Ilay nanafiky nanjary fananiny

 

Son nom, je l’ignore, car l’histoire m’a été racontée par Manisa à Ambodilengo. C’était un homme qui était parti en expédition à Mayotte, pour y chercher des esclaves. Or, cet homme, qui était parti là-bas, mourut sous les coups des ennemis, à Mayotte. Il était mort, et ses parents n’avaient pas retrouvé son corps. Son âme cependant, voulait regagner le pays de ses ancêtres, le pays d’où il était venu. Et son pays d’origine, c’était Ambodilengo.

Et comme il voulait revenir au pays, il apparut en rêve à ses parents :

- Me voilà devenu animal, dit-il ; venez, vous mes parents, venez me chercher. Et moi, ce que je ferai, c’est que je vous signalerai les embûches, pour qu’il ne vous arrive pas malheur en cours de route.

            Ses parents partirent et arrivèrent à Mayotte. Et ils découvrirent l’endroit où il se trouvait, transformé en animal. Il leur dit :

- Alors, vous êtes venus ? Je ne suis plus une âme vivante, je suis devenu une masse de matière. Et je veux retourner à Ambodilengo. Quand j’y serai, je ferai voir mon corps et mon apparence à mes parents qui sont encore vivants.

- Oui, répondirent ses parents.

            Ils étaient deux, qui étaient venus le chercher.

- Et voici comment vous allez me reconduire : pour me nourrir, je ne me contente de peu ! Des bœufs, voilà ma vraie nourriture. Je pourrais aussi manger des humains, mais c’est des humains, il m’en faudrait au moins cinq ou six ! Aussi n’en mangerai-je pas, je ne mangerai que des bœufs. Alors, procurez-vous une conque, ajouta-t-il, et avant de vous coucher, sonnez de cette conque, que je puisse m’arrêter en m’écartant des chemins, pour que les gens ne me voient pas, car je serai cause de frayeur pour les gens. Et j’irai moi-même chercher ma nourriture quand il fera nuit.

            Voilà ce que dit celui qui était mort à Mayotte.

            Et ils partirent. L’in des hommes marchait derrière, l’autre devant. Et celui qui marchait devant observait fidèlement les paroles que le mort lui avait dites :

- sonnez de la conque dès qu’il fera nuit. Vous pourrez gagner un village habité, et moi, je gagnerai un endroit où je dormirai.

            Ils ont donc quitté le pays où ils se trouvaient. Les deux hommes ont marché, marché, et chaque fois qu’ils apercevaient des gens, ils disaient au serpent de s’arrêter. (Et ils disaient aux gens :)

 - Ecartez-vous du chemin, nous voyageons avec un monstre.

            Et tous ceux qu’ils rencontraient s’écartaient bien loin. et le serpent continuait son chemin en rampant.

            Et quand le soir tombait, ils sonnaient de la conque, pour qu’il s’écarte du chemin  sort des bois et gagne le chemin fréquenté, pour le reconduire à Ambodilengo. Les voilà partis.  Ils marchent en toute hâte. Et je ne sais pas combien de jours ils ont mis pour arriver jusqu’à Ambodilengo.

            Et partout où il passait, la terre était comme ravagée, car c’était un monstre énorme, il était devenu un dragon.

            Quand la nuit approchait, les deux hommes sonnaient de la conque, puis ils quittaient la route pour gagner un village habité. Ils parvinrent ainsi jusqu’à Ambodilengo.

            Arrivé là, le serpent déclara à ses parents :

- Dites à ma famille que je ne vais plus habiter sur la terre ferme, mais dans l’eau. Vous voyez ma figure je ne suis plus un homme, je suis devenu serpent. Toute personne de ma famille doit venir me voir ici. Je demeurerai ici pour une durée de quinze jours, dit-il.

            Et il resta là, non loin d’Ambodilengo, on laisse l’Anove au sud : Ambodilengo se trouve sur la rive nord près d’Analanamböla.)

            Arrivé là, le serpent déclara à ses parents :

- Dites à ma famille que je ne vais plus habiter sur la terre ferme, mais dans l’eau. Vous voyez ma figure, je ne suis plus un homme, je suis devenu un serpent. Toute personne de ma famille doit venir me voir ici. Je demeurerai ici pour une durée de quinze jours, dit-il

            Et il resta là, non loin d’Ambodilengo. Il était là, enroulé sur lui-même. A cause de sa masse énorme, la terre s’était affaissée sous le poids de ses anneaux. Et elle l’est d’ailleurs toujours restée, on peut toujours voir le grand creux qu’il avait fait.

            (C’est Manisa et Mahabao qui m’ont raconté cela , à l’époque où j’étais chargé de m’occuper des jeunes filles célibataires en tant que membre de l’Hôpital.)

            Et l’endroit où le serpent s’était enroulé est toujours resté tel quel. Il était bien resté là quinze jours. Les gens étaient bien perplexes… Et je ne sais pas ce qu’il mangeait l), car il n’a pas quitté une seule fois ct endroit pendant ces quinze jours. Et au bout de ces quinze jours, il s’enfonça dans un gouffre de l’Anove, en aval de l’embouchure de Sahavary, en aval d’Antanandava, du côté sud de l’Anove. Il est resté là, au fond du gouffre énorme, sans plus en bouger.

Et quand il est arrivé à cet endroit… (Et tout cela, c’était encore les temps malgaches…)

            Or, de l’autre côté de l’Anove, il y avait des ennemis, qui voulaient attaquer Ambodilengo. Le serpent dit alors :

- Mes chers parents, des ennemis vont venir. Mais ne soyez pas inquiets, je vais surgir en face de ces ennemis pour les surprendre. Quant à vous, mes parents, passez tous en masse sur la rive nord d’Anove. Car les ennemis arriveront du Sud.

            Il se plia en deux. Il se plia en deux, de telle façon que du côté sud de l’Anove, il enfonçait son corps sur les bords de la montagne, tandis que sa tête était tournée vers le nord de l’Anove. Et pourtant sa tête se retrouvait au milieu.

            Il a raidi son corps, là…. ! C’était comme un immense pont. Les ennemis firent irruption au moment prévu. Ils étaient fort nombreux.

- Les voilà, les ennemis qui viennent nous massacrer !

(Et ce village, c’était Ambodilengo.)

            Voyant le serpent, ils se sont engagés sur la bête pliée rn deux, comme sur un pont. Ils étaient arrivés au niveau de sa tête, quand… il les a avalés  tous l’un après l’autre, il les a dévorés jusqu’au dernier. Après quoi, il a plongé dans l’eau, et jamais plus jamais, on ne l’a revu, jusqu’à maintenant.

            Le gouffre en question s’appelle Andravohimasiny. En effet, l’endroit où le serpent s’était enroulé est toujours déprimé, c’est devenu un étang, qui se remplit par les jours de grandes pluies, les eaux occupant toute l’étendue où il s’était lové.

            C’est là Andravohimasiny, sur l’Anove, en aval de l’embouchure de Sahavavy, avec Antanandava sur la rive sud. Une chute d’eau se trouve encore un peu plus en aval, que l’on anommé Difotro, c’est là que le monstre avait tué ces gens de Botozony. Il les avait jetés dans l’Andravohimasiny, et ils avaient roulé dans la chute de Difotro.

            Telle est la légende d’Ambodilengo. L’endroit où le serpent s’était lové est toujours déprimé. Manisa et Mahabao sont morts, mais leurs enfants ou leurs petits-enfants sont encore là, qui savent bien raconter cette légende.

            (C’est ine histoire que j’ai entendu raconter par bien des gens, par Mahabao et Manisa, là-bas en aval d’Ambodilengo, où ils vivaient tous deux. Et, c’est en amont d’Ambodilengo qu’habitait le père de Biravo, qui s’appelait Sandry. Oui. Quand on vient d’Analanambola, c’est du côté de Sahavary, sur le côté ouest, comme cela.)

 

            Voilà l’histoire que je peux vous rapporter, messieurs.

 

Fulgence FANONY

L’Oiseau Grand-Tison

Et autres contes Betsimisaraka du Nord

Littérature orale Malgache

tome 1

L’Harmattan 

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