Conte: Pourquoi les femmes n’ont pas eu le droit aux enfants Ny antony tsy nahazakan’ny viavy zaza

Publié le par Alain GYRE

 

Pourquoi les femmes n’ont pas eu le droit aux enfants

Ny antony tsy nahazakan’ny viavy zaza

 

Voici pourquoi les femmes n’ont pas droit aux enfants, selon la légende que j’ai entendue de ma grand-mère.

(- Qui est ta grand-mère ?

- Ma grand-mère c’est Velono.)

            Et donc, selon elle, la raison en est la suivante : il était une fois une femme, qui était en ménage, avec son mari. Et, d’abord, ils n’avaient pas d’enfant. Ils vivaient ainsi depuis longtemps, quand :

- Ô Dieu Créateur, fais que j’aie un enfant ! Ô Dieu Créateur, fais que j’aie un enfant !

            Quelques temps après, la femme s’est trouvée enceinte. Et quand elle s’est trouvée enceinte, c’était deux bébés qu’elle avait.

            Mais de ces deux bébés, l’une était dans le ventre, et l’autre dans le mollet. Et quand les bébés sont nés, celle qui était dans le ventre est née dans les douleurs, tandis que celle qui était dans le mollet n’a causé aucune douleur à la mère. Et les époux ont élevé leurs deux filles.

            Quand elles ont été grandes, celle qui était  sortie du ventre, celle qui était née dans les douleurs, sa mère l’aimait. Mais celle qui était sortie du mollet, elle ne l’aimait pas, parce qu’elle n’avait pas souffert à sa naissance. Et les deux enfants allaient jouer. Et par la suite les époux n’ont pas eu d’autres enfants.

            La première s’appelait Raziza et la deuxième Razaivolo. Raziza était celle qui était sortie du ventre, et Razaivolo était l’enfant du mollet. Et comme les filles avaient grandi, elles allaient jouer, et elles jouaient au jeu du « poulet aux vilaines plumes, c’est le joli poulet qu’on met à la marmite ».

            C’était là ce qu’elles faisaient. Et il y avait aussi un grand étang, où elles avaient l’habitude de se baigner dans la journée, elles se baignaient toujours là.

            Un jour, comme elles étaient allés se baigner, Razaivolo dit à sa sœur :

- Comme ma mère me déteste, Raziza !

- Ne dis pas ça, lui répond sa grande sœur.

            Mais elle ne faisait que répéter ça, et un jour, alors qu’elles allaient se baigner, un être inconnu, un être de l’eau a enlevé celle qui était née du mollet. Et après qu’elle ait été enlevée, dans la forêt, elles jouaient à la dînette avec les petits enfants du même âge qu’elles. Et celle qui était sortie du ventre, on lui donnait du bon riz. Mais celle qui n’avait pas fait souffrir sa mère à sa naissance, on lui donnait des brisures de riz. Celle qui était sortie du ventre, on lui donnait  du « poulet aux jolies plumes »,. Mais celle qui était sortie du mollet, on lui donnait un vilain petit poulet. Et pourtant, la grande sœur, celle qui était née du ventre, ne pouvait pas abandonner sa petite sœur, et elle lui donnait de sa part. Les brisures, elles les jetaient. Et, le soir, l’aînée ramenait tous les enfants qui étaient avec elles.  Mais un soir on a eu beau les attendre, elles ne sont pas rentrées.

- Rentrons, disait la grande sœur.

            Mais l’autre, qui était dans l’eau, lui disait :

- Non ! Rentre, toi, puisque tu as un père qui t’aime, puisque tu as une mère qui t’aime. Moi je ne suis pas sortie du ventre, ils ne m’aiment pas. Rentre, toi !

            Et elle rentrait. Et le lendemain, elle revenait, et cela dura comme ça un mois, et à la fin les gens les entendirent qui discutaient comme ça au bord de l’étang :

- Viens !

            Tous les soirs on entendait :

- Allons, toi ! Viens ! Rentrons !

- Non, répondait l’autre, vas-y, toi seule, toi tu es née du ventre, que chacune garde ce qu’elle a dans le cœur, vas-y, rentre, toi seule.

            Et la grande sœur rentrait toute seule. Et, ce qu’elles se disaient toutes les deux, les gens du village l’entendaient, et ils sont venus le rapporter à leur père :

- Tu sais ! Ton enfant est possédée par un être qui la retient dans l’étang !

- Ah les amis ! Est-ce possible ?

- Mais oui. Nous allons les suivre quand elles vont jouer.

- Entendu, répondit le père.

            Donc, leur père les a suivies, avec des gens du village. Et quand sa sœur l’appelait. Ils étaient !à, deux hommes, à les observer, à écouter ce qu’elles se disaient.

- Viens donc ! Nous allons rentrer. ..  Je te donne tous mes jouets i tu veux bien venir avec moi.

- Non, non ; disait l’autre, qui restait dans l’eau , rentre, toi ! Moi, je ne rentre pas : toi tu as une mère qui t’aime, tu as un père qui t’aime, pas moi ! Alors, rentre tpo !

- C’est donc bien vrai, se dit l’homme…

            Alors, en arrivant au village, il a pris un bœuf à ma robe entièrement noire. Et il a invité tous les gens du village.

- Vendredi prochain, j’irai au lac pour y faire une invocation, car mon enfant s’est perdue là-bas.

            Ainsi donc, quand le vendredi est arrivé, tout le monde était présent, avec l’enfant née du ventre, en présence de la mère. La mère y était présente. On a jeté ke sang du bœuf dans m’eau de l’étang, et le père a prononcé l’invocation. L’invocation terminée, le père a dit à la grande sœur d’appeler :

- Viens, Razaivolo, nous allons rentrer !

- Non, non, répond la petite sœur. Toi, tu as un père qui t’aime, tu as une mère qui t’aime. Moi pas. Rentre, toi !

            Alors, le sacrifice du bœuf étant terminé, on a jeté à l’eau le bœuf entier. Et la fille est sortie. Quand elle est sortie, tous les enfants on dit :

- eh bien, si son père n’était pas venu la chercher, oh non, jamais (elle ne serait revenue) ! Ce n’est pas la femme qui doit avoir la charge des enfants. C’est à cause des deux enfants, l’une née du mollet, l’autre née du ventre de sa mère. Et à partir d’aujourd’hui, dirent-ils, s’il s’agit d’habiter chez la mère, non, nous refusons. C’est le père seulement que nous voulons.

            Voilà, dit-on, pourquoi les femmes n’ont pas droit aux enfants. Les enfants doivent suivre leurs pères.

           

Voilà l’histoire, Messieurs et Mesdames, et je vous donne l’au revoir. Un prochain jour nous nous retrouverons.

 

Fulgence FANONY

L’Oiseau Grand-Tison

Et autres contes Betsimisaraka du Nord

Littérature orale Malgache

tome 1

L’Harmattan 

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